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tend suivre. « Les trois premiers sermons expliquent ce que l’on entend par nature de l’homme, quand on dit que la vertu consiste à la suivre, et le vice à s’en écarter. » Les stoïciens, poursuit-il, avaient dit la même chose, mais ils ne s’étaient pas mis en peine de déterminer ce qu’est cette nature humaine, et leur formule devient une formule vague, qui semble justifier toute conduite conforme à l’une quelconque des parties de cette nature. — Critique assurément injuste, car Butler avoue lui-même que, pour les stoïciens, la véritable nature de l’homme c’est la nature raisonnable. Les stoïciens ne faisaient d’ailleurs en cela que répéter Platon et Aristote.

Quoi qu’il en soit, Butler croit faire œuvre nouvelle en précisant l’idée « du système, de l’économie ou de la constitution d’une nature ou d’une chose particulière ». C’est, dit-il, une unité ou un tout formé de parties différentes. Mais cette idée reste incomplète tant qu’elle n’enferme pas les relations et les rapports de chacune des parties entre elles. De plus, comme toute œuvre, naturelle ou artificielle, suppose un but, extérieur à elle, en vue duquel elle a été faite, l’idée d’un système implique celle d’une appropriation à cette fin ou à plusieurs.

On ne connaît pas une montre parce qu’on en a sous les yeux toutes les parties. Il ne suffit pas même que ces parties soient juxtaposées et unies entre elles d’une façon quelconque : il faut qu’on en ait découvert les rapports et qu’on ait déterminé comment chacune concourt au but commun, qui est de marquer l’heure. Alors seulement on a l’idée d’une montre. De même pour la constitution intérieure de l’homme. « Les appétits, les passions, les affections et le principe de réflexion, considérés simplement comme parties distinctes de notre nature morale, ne donnent en aucune manière l’idée du système de cette nature. Elle suppose en effet la connaissance des relations qui existent entre chacun de ces éléments, et, de toutes ces relations, la plus importante, c’est l’autorité de la réflexion ou conscience. » Elle suppose de plus la connaissance du but en vue duquel est manifestement faite cette constitution morale de l’homme : ce but, disons-le tout de suite, c’est la vertu.

Diversité des éléments intégrants de la constitution humaine ; suprématie de la conscience ; l’obligation de la vertu, comme conséquence nécessaire d’une nature ainsi constituée à ces trois points se ramène ce qu’il y a d’essentiel dans la morale de Butler.