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PROBLÈMES DE CRIMINALITÉ

(Fin)[1].

IV

Avenir du crime.

Il est temps d’interpréter à son tour ce dernier fait général et d’aborder les problèmes qui s’y rattachent. Après avoir essayé de comprendre pourquoi notre civilisation fait prédominer les formes sanglantes du désespoir, demandons-nous pourquoi elle favorise et déploie de préférence les formes non sanglantes du délit, sans d’ailleurs combattre efficacement les autres, et si ce phénomène est l’accompagnement essentiel de toute civilisation en voie de progrès, ou seulement un caractère passager et secondaire de la nôtre. Voilà des questions d’une complexité vague, aussi difficiles à préciser qu’à résoudre.

S’il est vrai, comme on l’a dit, que l’âme humaine a deux grands versants entre lesquels il faut que tout homme se décide, la pente abrupte de l’ambition et de l’orgueil, aux vertus meurtrières, et la molle pente de la volupté et de la vanité, aux charmes trompeurs, on pourrait croire que toute société, aussi bien que tout individu, a le choix entre ces deux orientations, vers la chimère de la gloire et les réalités du pouvoir autoritaire, ou vers le plaisir tangible et l’égalité apparente ; on pourrait croire qu’il est loisible à tout peuple de se développer dans l’un ou l’autre de ces sens, dans le sens des caractères fiers et des convictions fortes ou des talents ingénieux et des idées séduisantes, des préjugés ou des fictions, des erreurs ou des des mensonges, des belles haines de race, des beaux crimes de sang, exploits et des vendettas, ou des convoitises, des envies, des industries et des cupidités. Mais l’histoire semble montrer plutôt que la loi de toute tribu grandissante, sortie de l’état sauvage, est de commencer par gravir le premier de ces deux versants jusqu’à un faîte plus ou moins élevé qui est son état proprement barbare, et, en se civilisant, de descendre ensuite le second plus ou moins vite, à tra-

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.