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De même, si un des bras de la croix verte est d’une longueur double de l’autre, ce rapport ne paraît pas changer sensiblement, malgré les changements de grandeur de la croix.

Il faut que l’écran soit placé à la distance où se trouvait primitivement l’image réelle et lui soit égale au lieu d’être semblable.

Conséquemment, on peut dire que l’œil, comme organe optique, n’estime que le rapport existant entre les dimensions en largeur et en longueur d’un objet, et qu’il ne saurait mesurer ces dimensions d’une manière absolue que si la distance de l’objet à l’œil est tout d’abord déterminée.

Il y a là un fait qui rappelle beaucoup la résolution d’une règle de trois. En effet, l’image consécutive reproduit seulement le rapport entre la longueur et la largeur de l’objet ; si, par la position donnée à l’écran, on rend la longueur de l’image égale à celle de l’objet, au même instant la seconde dimension de l’image, sa largeur, devient égale à celle de l’objet. Il suffit de déterminer la première valeur pour que la seconde se trouve déterminée du même coup. C’est bien une règle de trois. Ce n’est pas la première fois qu’on a remarqué que nos sens résolvent inconsciemment des problèmes de mathématique.

Tous ces résultats expérimentaux sont en contradiction formelle avec les idées avancées par l’école anglaise, qui a trop réduit, ce nous semble, le rôle de l’œil dans la perception de l’étendue. D’après Bain et Stuart Mill, les distances en longueur et en largeur seraient données uniquement par les mouvements de l’œil allant d’un point à l’autre, et la forme visible serait donnée uniquement par l’œil décrivant les contours de l’objet. Il nous semble que, si cette thèse trop absolue était exacte, on ne devrait pas trouver la forme de l’objet inscrite dans l’image consécutive. Nous ne soutenons pas d’ailleurs que les mouvements de l’œil n’interviennent en aucun cas pour percevoir les longueurs et les largeurs ; nous croyons, au contraire, que les mensurations à l’aide des mouvements de l’œil sont plus exactes que les mensurations faites par l’œil immobile[1].

II. Perception en profondeur. — L’image consécutive nous donne-t-elle quelque notion sur l’étendue en profondeur ? Cette question est assez difficile à résoudre, et nous ne proposons qu’avec beaucoup de réserve l’expérience suivante, qui nous paraît démontrer que l’image consécutive peut donner l’impression du relief. Dessinez sur un morceau de papier deux images stéréoscopiques d’une pyramide à quatre pans, tronquée par le sommet et vue d’en haut ; mar-

  1. Helmholtz, Optique physiologique, p. 695.