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ANALYSES.a. posada. Introduction au droit politique.

appelle essentielles, la nutrition et la reproduction, l’analogie s’impose. « Une société organisée comme l’individu, ou, mieux, comme les parties qui constituent l’individu, si elle doit vivre, doit nécessairement se nourrir, et pour cela, par la loi de la distribution du travail dans le mouvement constant de la différenciation qu’elle supporte, elle spécialise ses organes ; elle approprie certaines parties à l’élaboration régulière des matières alimentaires. Les grandes crises économiques ont une grande ressemblance avec certains états pathologiques des organismes animaux qui souffrent de la faim ou dont les fonctions conservatrices ne s’accomplissent pas avec régularité. » Toutes les formes spéciales de la reproduction animale se retrouvent aussi, dit M. Posada, dans la reproduction sociale. La société nouvelle qui se forme est, comme l’individu à l’origine, une séparation d’éléments appartenant à un exemplaire de son espèce. L’opposition organique des sexes qui est un caractère imparfait de reproduction, se fond, dans l’organisme social, par l’unification du couple et par le groupe familial. Les cellules ou éléments premiers de l’organisme social se produisent par cette union. Mais beaucoup d’autres éléments se reproduisent sans l’intervention des sexes : c’est ainsi qu’on voit dans toutes les industries la tendance à préparer quelques-uns de leurs membres pour qu’ils en forment d’autres. Enfin la reproduction totale de l’organisme social a lieu en vertu de la séparation des éléments organiques, individus qui tombent dans le milieu social à propos pour la vie.

L’auteur complète les analogies et les différences qui caractérisent cet organisme supérieur, la société, par un coup d’œil jeté sur les questions courantes de psychologie sociale. Y a-t-il une âme de la société de même qu’il y a une âme de l’individu ? Quelque idée qu’on se fasse de la chose désignée par ce mot, cette âme existe, au jugement de l’auteur. L’âme de l’histoire, l’esprit des peuples, ce ne sont pas là de vains mots. Il y a, dans le corps social, comme une résultante des efforts de tous les individus, une autorité supérieure qui adapte les moyens aux fins sociales. Si cette adaptation est le signe de la vie, il y a lieu d’admettre une vie sociale, une force supérieure qui ne fournit pas notre action, mais qui s’en approprie les résultats. M. Posada, et il se rapproche ici plus de Schæffle que d’Espinas, admet que la conscience sociale est en rapport constant avec le développement de la société ; que plus sa structure est compliquée, plus aussi la conscience apparaît claire et évidente dans les parties qui la constituent.

Quelques mots maintenant sur ce que l’auteur appelle l’art et l’artiste du droit politique. En politique comme en toute chose, il y a une grande différence entre le faire vulgaire et la pratique réfléchie, celle-ci s’appliquant aux diverses conditions qui contribuent à produire l’État, œuvre toujours en train de se réaliser. On se fait, en général, une idée fausse de l’homme politique. On se figure qu’avec un peu d’expérience, de bon sens, d’habileté, d’entregent, on peut traiter cette chose si