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larise dans chaque individu et dans chaque milieu social. La grande particularité des actes humains, c’est qu’ils sont supposés libres. L’auteur abandonne, dit-il, aux psychologues toute recherche tendant à élucider les vrais mobiles de la conduite humaine, à préciser les limites de la conscience et de la spontanéité. Il s’en tient, pour sa part, à ce principe, que toute conditionnalité libre, et elle seule, est juridique. Il n’en rejette pas moins, comme vaine et dangereuse, la théorie sociale et politique du pacte (Rousseau) et celle de la réunion des volontés libres (Fouillée), tout aussi bien que la théorie organique et fataliste de l’école historique d’Hegel et de l’école sociologique de Comte.

M. Posada étudie longuement les raisons qui peuvent faire assimiler, jusqu’à un certain point, la sociologie à la biologie. Deux opinions sont en présence qui déterminent chacune à sa manière les relations de ces deux sciences. L’une est celle de Spencer, et jusqu’à un certain point de Schæffle ; elle n’accorde aux manifestations de la vie sociale chez les animaux qu’une valeur présociologique ; l’autre est celle d’Espinas, pour qui les caractères de ces faits sont analogues à ceux des faits sociaux humains.

L’auteur déclare accepter la seconde. Il ne peut admettre, quant à lui, que les faits d’une espèce donnée ne se doivent bien connaître que dans leur développement supérieur ; il estime, au contraire, qu’un phénomène n’est bien connu que lorsqu’il l’est dans tous les degrés possibles de son évolution. Au surplus, ce degré d’amplitude supérieure que l’on demande au phénomène typique d’un ordre déterminé, comment le fixer ? Cette question est aussi absurde que la prétention de déterminer la forme définitive d’une espèce. L’idée société, comme l’idée droit, comprend toutes les déterminations dans lesquelles elle peut se manifester. « L’objet de la science, comme le dit Espinas, est l’évolution totale de chaque groupe de phénomènes, à partir du moment où ils commencent à être perceptibles, jusqu’à celui où ils cessent d’exister. » La sociologie animale est donc tout au moins une partie préparatoire de la sociologie humaine. Comme la biologie rencontre la plénitude de son évolution dans l’individu, la sociologie la rencontre dans la société humaine.

Mais assimiler n’est pas identifier. Si les individus et les sociétés ont pour caractères communs l’organisation et les conditions générales de leur développement, s’ensuit-il que tous leurs caractères soient communs ? Il ne suffit pas de dire qu’une société est organisée, pour qu’elle vive. Le grand tort des doctrinaires est de considérer l’État comme un mécanisme faisable a priori, d’après la méthode déductive si chère Rousseau. C’est l’État réel, l’individu vivant, qu’il s’agit d’étudier, l’un dans l’histoire des sociétés particulières, l’autre dans l’histoire naturelle, pour déterminer leur évolution parallèle et comparer leur organisation respective. Or, de toutes les définitions de la vie qui ont été présentées depuis Aristote jusqu’à Spencer, il n’en est aucune qui s’applique à l’organisme social. Si l’on se borne à considérer les fonctions que M. Espinas