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l’adaptation des actes à des fins. Le passage de la conduite ainsi définie en général à la conduite proprement morale est insensible. S’il est indifférent de se promener ici ou là, il ne l’est pas au même degré de faire faire à un ami une promenade qu’il a déjà faite, quand on pourrait lui faire voir ce qu’il ne connaît pas encore, et il ne l’est pas du tout de se promener au lieu d’aller à un rendez-vous. Mais, avant de circonscrire le domaine de la conduite morale, il faut étudier la conduite en elle-même, et parvenir ainsi, suivant une loi de la méthode évolutionniste, à interpréter le plus développé par le moins développé.

Les partisans de cette méthode sont habitués à l’idée d’une évolution de structures à travers les degrés ascendants du règne animal ; ils le sont aussi, du moins dans une certaine mesure, à l’idée d’une évolution parallèle des fonctions. Il leur faut maintenant concevoir une évolution analogue de la conduite. On ne sort pas de la physiologie tant que Ton se borne à considérer les processus internes et leurs combinaisons internes ; nous en venons au domaine de la conduite, lorsque nous étudions les manifestations extérieures des actions des organes sensoriels et moteurs. On objectera peut-être que ces manifestations extérieures, comme on pourrait dans beaucoup de cas les imaginer, sont trop simples pour mériter d’être désignées par le mot de conduite ; mais elles se relient du moins par d’insensibles gradations à ce que nous appelons de ce nom, et c’est assez pour être autorisé à marquer ainsi la limite inférieure de ce domaine qui, par degrés, s’étendra jusqu’à embrasser les adaptations les plus complexes, celles que nous soumettons à des jugements moraux. Nous avons donc à étudier l’agrégat de toutes les coordinations externes, et cet agrégat comprend même les mouvements les plus simples des animaux les plus humbles. Encore faut-il cependant que ces mouvements ne soient pas entièrement fortuits.

Aussi n’y a-t-il pas vraiment lieu de parler de la conduite d’un infusoire : ses actions ne sont pas adaptées, du moins d’une manière appréciable, à une fin déterminée ; il se meurt au hasard, avale ce qu’il peut, et le plus souvent est avalé prématurément lui-même par quelque autre animal. Mais les rotifères ont déjà, avec une plus grande taille, une structure plus développée et un pouvoir plus marqué de combiner des fonctions, une véritable conduite. Ils savent beaucoup mieux et se nourrir et se défendre : ils vivent aussi plus longtemps.

Les mollusques nous présentent l’exemple d’un nouveau progrès et, suivant l’espèce à laquelle ils appartiennent, d’un progrès croissant. Il en est de même si nous parcourons la hiérarchie des vertébrés, depuis le poisson jusqu’à l’éléphant, Le développement de la conduite, de l’adaptation des actes à des fins, suit pas à pas le développement de la structure et des fonctions.

Les hommes, pour les partisans de l’évolution, ne sont que les mammifères les plus élevés. Ici, les adaptations sont plus nombreuses et meilleures. Mais il y a des races inférieures et des races supérieures,