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on se rappelle quel pouvoir certains oiseaux ont sur leur appareil vocal. Un sansonnet, par exemple, peut répéter les chants de tout autre oiseau avec lequel on le met. Ce qui confirme encore notre croyance en la similitude de l’organisation de l’animal et de l’homme, c’est de voir l’uniformité du cri qui sert aux animaux à exprimer leurs sentiments et qui fait que le cri d’un oiseau en détresse, ou celui d’un chien subitement maltraité, éveillent les sympathies de tous ceux qui les entendent.

Ce qui montre bien que le mécanisme des nerfs et des muscles est le même chez tous les animaux, ce sont les actes d’aboyer ou de braire, où l’on peut percevoir une action rhythmique distincte. Le rhythme est une nécessité de l’action musculaire ; la contraction et le relâchement doivent alterner. Pour qu’un mouvement soit produit par la contraction d’un muscle, ce muscle doit se relâcher avant d’être le siège d’une seconde contraction. Par suite, dans le mécanisme du langage, il doit y avoir des mouvements constants de la poitrine, du larynx et de la bouche ; et en conséquence le langage ne peut consister en un— courant continuel de mots, mais il doit être divisé en syllabes, avec un accent défini et un rhythme. Il y a un rhythme dans les cris des animaux, et les mouvements de leur corps, quand on leur apprend à suivre des notes de musique, montrent également qu’ils peuvent apprécier, ou qu’ils connaissent le rhythme musculaire étendu à tout leur organisme.

On a dit, je crois, que chez tous les animaux les sons sont produits dans le larynx, mais que le langage articulé de l’homme était modulé par la bouche. Cela peut être vrai dans une certaine mesure, mais n’est pas absolument correct, comme on peut s’en rendre compte en observant les mouvements de la bouche d’un animal qui émet un son, pour ne rien dire de ceux des oiseaux imitateurs.

Maintenant, si l’on considère le langage comme le mode de communication par l’appareil vocal et par les gestes, je pense que l’on peut à peine s’empêcher d’admettre que les animaux possèdent un langage. Ils communiquent entre eux au moyen de sons qu’ils comprennent, et, dans le cas du chien et de son maître, il s’établit de part et d’autre un nouveau langage que chacun d’eux comprend. Quiconque a possédé un chien sait quel commerce intime s’établit entre lui et l’animal au moyen des mots, des regards et des gestes. Il suffit de se rappeler que dans l’espèce humaine le langage s’apprend par imitation, par l’intermédiaire de l’organe de l’ouïe, et que, par suite, tous les enfants sourds sont nécessairement muets. Si donc le langage était une faculté naturelle de l’homme, et parfaitement indépendante de conditions diverses, l’homme devrait parler