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les religions, qui vont toujours se modifiant, se complétant l’une l’autre, et tendant sans cesse à parfaire la conscience universelle de l’absolu. « La religiosité constitue un élément très important et très particulier de la personne morale de chaque peuple, et de la grande personne mondiale formée par l’agrégation de toutes les sociétés. »

L’auteur ne se dissimule pas qu’en tout cela il incline vers le système de l’évolution, et il n’hésite pas à s’en déclarer partisan, pourvu que le domaine de l’évolution soit circonscrit au domaine du développement humain, et non étendu à la genèse et à la transformation des espèces. Il fait nettement rentrer la religion dans l’ordre des faits naturels et, à ce propos, donne une explication tout historique et critique de la rapidité et de la facilité avec lesquelles le christianisme a triomphé, sans sortir pourtant des limites de la nature. Les croyants font ressortir qu’il y a une évidente disproportion entre la cause du christianisme, qui est la prédication d’un obscur galiléen, et ses prodigieux effets ; et ils en tirent argument pour recourir au surnaturel. D’après M. Mamiani, il ne faut jamais déclarer que les effets sont disproportionnés avec la cause, car les effets lointains nous échappent presque toujours.

On trouve d’autres exemples de ces incroyables influences de prosélytisme, Çakya-Mouni, Mahomet, Socrate môme. Au temps d’Auguste, on ne croyait plus et on sentait, comme toujours, le besoin de croire. Cela explique tout. Et puis la théorie de l’unité organique des nations permet encore de comprendre la supériorité que le christianisme a immédiatement prise sur toutes les autres religions. Les cultes commencent toujours par l’ignorance et la superstition ; c’est graduellement qu’ils développent le germe divin qu’ils recèlent : ils conduisent les hommes d’abord à adorer Dieu au lieu de le craindre ; puis à combattre les instincts inférieurs qui tendent à obscurcir en eux l’intuition de l’absolu ; enfin à s’aimer les uns les autres. Chacun de ces points a été la conquête d’une, grande religion, et M. Mamiani nous montre, à travers l’histoire, cette lente évolution qui arrive peu à peu à déterminer le sens de l’idéal resté latent dans l’humanité. Le christianisme, venu le dernier, hérita de tous les cultes qui l’avaient précédé et se présenta immédiatement comme la forme la plus complète et la plus compréhensive que pût prendre encore le sentiment religieux. Il recueillit de plus le fruit de cette sublime spéculation grecque, qui avait été mille fois plus religieuse que toutes les religions. Voilà le secret de sa victoire ; il n’y a point là de mystère.

V. — Des révélations naturelles.

La partie de critique et de discussion étant achevée, l’auteur en vient à l’analyse des principes positifs de la religion naturelle. Il résulte de tout ce qui a précédé que la foi s’appuie sur trois raisons très solides et fondées :