Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/694

Cette page n’a pas encore été corrigée
684
revue philosophique

part l’idée symbolisée, de l’autre le sentiment adéquat à cette forme de l’idée ; en sorte que, le symbole disparaissant, le sentiment devrait disparaître avec lui.

M. Mamiani remarque que le calvinisme a retranché de la religion presque toute la partie mythique et sensible, et n’a pourtant point compromis la foi. Sans doute la religion naturelle, dont nous parlons ici, ne sera point faite pour inspirer des ardeurs fougueuses ni des excès de fanatisme ; mais ne doit-on pas s’en réjouir ? Il n’y aura plus, dans ces conditions, aucun danger à ce qu’elle redevienne la base de l’édifice social, surtout, ajoute M. Mamiani, depuis que le dernier asile du théocratisme sacerdotal a disparu avec le pouvoir temporel, ce qui n’est peut-être pas, pour nous autres Français, un aussi bon argument que pour les Italiens.

Il s’agit à présent de montrer que l’instinct religieux est vraiment un élément inné et constitutif de notre nature. Les concepts essentiels et caractéristiques de l’esprit humain sont : le vrai, le beau, le bien, le juste et le saint. Le saint est une idée à part, dont le propre est de provoquer l’adoration et d’éveiller la mysticité latente de l’âme.

Le saint, d’après Auguste Comte, ne serait que la forme passagère sous laquelle les peuples enfants concevraient le vrai et le beau ; la religion tendrait ainsi, d’une manière fixe et continue, à se dissoudre et à se fondre d’une part dans la science, de l’autre dans l’art et la morale.

Cette théorie s’appuie sur des exemples historiques que notre temps ne semble que trop justifier. Mais qui sait si cette époque n’est pas un âge de transition, si une nouvelle réforme n’est pas près de surgir » des ruines du culte, comme elle a surgi au xvie siècle, alors que nul ne s’y attendait ? « Je ne puis pas croire, s’écrie l’auteur, que nous en ayons fini avec la religion. Sans doute les religions positives renferment des enfantillages et des absurdités ; elles ont même parfois servi d’excuse au vice et au crime ; mais qui osera soutenir qu’elles n’ont point fait du bien ? » Il est à désirer et à espérer qu’il en restera quelque chose, leur essence et leur âme, qui ne sont autres que l’essence et l’âme de la philosophie éternelle.

M. Mamiani refuse donc de se placer au point de vue de Comte et de Mill qui considèrent l’état religieux comme.un état transitoire.

La foi est un sentiment sui generis simple, irréductible, naturel et inné ; et c’est ce que l’auteur va chercher à nous montrer dans la troisième partie de son travail, celle qui traite de l’intuition du saint.

III. — L’intuition du saint.

C’est là l’acte constitutif de toute mysticité, le principe de toute foi. Ainsi en ont jugé saint Bernard et saint Bonaventure, Rousseau et Jacobi, Schleiermacher et Novalis. On n’ose plus soutenir la grossière