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actuelle de quelque chose en soi qui réponde à ces possibilités et à ce pouvoir ?

« En examinant la question ainsi posée, on découvre que non seulement l’induction de l’infini en puissance à l’infini en acte n’est point logique, mais qu’encore on ne peut se la permettre sans violer la plus essentielle des lois de toute représentation, le principe de contradiction. Et ce n’est pas s’exprimer avec exactitude, en un cas semblable, que de parler de notre désir d’enfermer une marche infinie dans une marche finie de la même espèce, » — reproche adressé par M. Lotze à ceux qui se refusent à rien penser de l’espace au delà de ce que les lois de la pensée autorisent ; — « ce qui est vrai, c’est qu’il y a une obligation logique d’enfermer les idées des choses auxquelles nous pensons, en tout ce qui dépend de nous, dans les strictes bornes de la possibilité de les penser. S’il s’agit d’un devoir, il ne peut être que là. »

En vérité, je ne puis me persuader qu’en écrivant ces lignes j’ai laissé l’argument de M. Lotze sans réponse.

Quoique le temps figure à côté de l’espace dans les questions de cette nature, je résiste ici à la tentation d’en parler pour ce qui s’y rapporterait d’une manière spéciale, du moins au point de vue de M. Lotze. Je désire resserrer autant que possible les termes du débat. Le lecteur ne s’en plaindra pas, je suppose. À plus forte raison, j’écarte jusqu’à nouvel ordre la question du phénomène et de la chose en soi, celle de la localisation des perceptions ; tout cela mènerait trop loin. D’ailleurs, après la rectification dont j’ai donné acte ci-dessus, il n’y a plus lieu, je le répète, de distinguer entre l’infini actuel de choses quelconques et l’infini actuel de parties sans nombre d’espace ou de temps, les unes juxtaposées, les autres écoulées. Mais tout se réduit à savoir si des choses quelconques peuvent à la fois se dérouler en des parties sans fin et former des synthèses actuellement achevées : j’allais dire finies.

Une des questions sur lesquelles il faut, au contraire, que je m’arrête entre tous les points que M. Lotze touche dans sa réponse, c’est celle de l’infini numérique abstrait, ou des mathématiciens. Faute d’explications suffisantes de ma part (dans la Critique philosophique, où le même sujet avait été traité bien des fois auparavant), M. Lotze ne paraît pas comprendre pourquoi j’ai trouvé la difficulté serrée de plus près — du moins s’il l’eût ainsi voulu — à l’endroit où il passait des sujets espace et temps infinis au sujet infini numérique, qui doit les représenter tous deux dès qu’on les envisage comme des composés de parties. C’est que les arguments vraiment topiques, en cette question, portent au fond sur l’idée qu’on se fait