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d. nolen. — la critique de kant et la religion

d’être établi définitivement que celui de la science et de la métaphysique, parce que, comme le remarque judicieusement Arnoldt, les philosophes et les théologiens ne se sont pas souvenus de la première condition que Kant mettait à la réalisation des promesses de la critique, et qu’il formulait dans la conclusion de son petit essai sur « la paix éternelle en philosophie ». « Le commandement : Tu ne a mentiras point, s’il devenait la règle intime des consciences philosophiques, suffirait à faire régner entre elles une paix définitive dans le présent comme dans tous les temps. » Que chacun se fasse un rigoureux scrupule de ne dépasser jamais dans ses affirmations les données de la certitude théorique, de celle qui repose sur le contrôle irrécusable et toujours ouvert de l’expérience, et qu’il accueille avec sympathie, mais sans se faire illusion sur leur autorité scientifique, toutes les hypothèses auxquelles se complaît la foi morale et que la religion encourage de ses puissantes influences ; ou, pour être plus bref, qu’il distingue avec soin entre les certitudes de la science et celles de la croyance ; et la plupart des dissentiments qui troublent et soulèvent les intelligences et les cœurs ne tarderont pas à s’évanouir dans l’entente ou la tolérance réciproques.

II


Il semble pourtant que Kant ait été le premier infidèle aux engagements du traité qu’il avait si laborieusement conclu ; et que la Critique de la raison pratique apporte une flagrante contradiction aux principes posés dans la Critique de la raison pure, par la théorie, tant célébrée des uns, tant décriée des autres, du souverain bien et des postulats.

Kant n’essaye-t-il pas de ressaisir, à l’aide de la raison pratique, les certitudes théoriques, qu’il avait déclarées inaccessibles à la raison pure ? N’entreprend-il pas, à son tour, de prouver rigoureusement l’existence des trois grands objets de la foi morale et religieuse : Dieu, la liberté, l’âme immortelle, au lieu de se borner à les laisser dans le demi-jour discret de la croyance et du sentiment ? N’a-t-il pas cédé enfin à la tentation de démontrer ce qu’il avait considéré jusque-là comme indémontrable ?

Le zélé commentateur dont nous suivons les traces veut justifier d’une aussi grave contradiction la doctrine, sinon les écrits du maître. Kant paraît avoir soupçonné lui-même l’insuffisance de ses