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saint Thomas, que le cartésianisme de Bossuet et de Fénelon ont paru tour à tour le plus décisif commentaire de la doctrine chrétienne. Kant est persuadé que la métaphysique rend de plus utiles services à la foi, en demeurant absolument étrangère à la démonstration des dogmes. Nous ne disons pas encore assez. La philosophie, qui nous refuse toute connaissance du surnaturel, lui parait la meilleur sauvegarde de la foi au surnaturel.

La métaphysique du reste n’est pour Kant que la démonstration de notre ignorance incurable à l’endroit du surnaturel. Dieu, le libre arbitre, l’immortalité, les dogmes fondamentaux de toute religion, se dressent devant la pensée critique comme trois mystères également impénétrables. Il ne faut voir dans ces trois idées que des formes purement subjectives de la raison. Nous sommes absolument hors d’état de savoir si elles correspondent ou non à un objet réel, encore moins de déterminer la nature de cet objet. Il n’y a de science que des objets qui correspondent à la fois à une intuition sensible et à un concept de l’entendement ; en d’autres termes, que des réalités, accessibles à l’expérience : et Dieu, l’âme, la liberté, échappent à la prise de l’expérience. Nous n’en avons, comme dit Kant, que des concepts purement problématiques, c’est-à-dire dont la vérité ou l’erreur sont également indémontrables.

Telle est la doctrine que Kant déclare la plus favorable, la seule conforme aux véritables intérêts de la foi religieuse.

Tel est le bouclier nouveau, que la philosophie critique se vante d’avoir trempé et qui doit rendre la religion invulnérable aux coups de la science matérialiste, aussi bien que de la spéculation idéaliste.

Voyons s’émousser contre lui les traits des adversaires qui se riaient jusqu’ici des armures plus artistement que solidement forgées par la métaphysique spiritualiste du passé.

Au panthéiste, qui nie la distinction de Dieu et du monde, et croit trouver dans l’infinité de l’univers une expression suffisante de l’infinité divine, à un Spinoza par exemple, la métaphysique du criticisme répond par la doctrine des antinomies mathématiques. Elle démontre victorieusement que le monde ne peut être infini, ni dans le temps, ni dans l’espace, parce qu’une totalité infinie soit de moments, soit d’atomes est aussi contradictoire qu’un nombre infini. Que le panthéiste n’espère pas échapper à la difficulté, en admettant un monde limité dans le temps et dans l’espace : il se heurte contre de nouvelles et non moins insurmontables objections. Il transforme en réalités indépendantes du monde de pures formes de la pensée, comme sont le temps et l’espace, et retombe d’ailleurs,