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à 500°. Si l’on pouvait, par un artifice quelconque, ramener à 0° la masse gazeuse sans la faire passer par les températures intermédiaires, on aurait, non plus de la glace, mais un mélange gazeux d’oxygène et d’hydrogène dans un état physique identique à celui de la première expérience. En réalité, ce retour instantané à 0° est impossible, de sorte que, en repassant par les mêmes températures, les deux gaz se recombineront peu à peu, et que, vers 500°, la combinaison sera redevenue totale. Ceci distingue la dissociation[1] de la décomposition véritable. Les produits d’une décomposition véritable ne sont plus susceptibles de se combiner de nouveau par le seul abaissement de la température, et ils restent à l’état de mélange tant qu’une nouvelle force chimique n’intervient pas pour les unir de nouveau. La dissociation au contraire est un phénomène réversible, caractérisé par ce fait qu’à chaque température donnée correspond un équilibre fixe et déterminé, entre le composé et les produits de sa décomposition, ou en d’autres termes entre les quantités combinées et les quantités mélangées. Cet équilibre est fonction de la température, de même que la tension d’une vapeur. C’est pour rappeler ce phénomène que M. Sainte-Claire Deville a appelé tension de dissociation le rapport entre les éléments combinés et les éléments mélangés. Cette assimilation entre les phénomènes de dissociation et de tension de vapeur montre bien qu’il y a réellement continuité entre les phénomènes chimiques et les phénomènes physiques.

Quelle est donc cette force qui préside aux combinaisons des corps ? Les chimistes du xviiie siècle lui avaient donné le nom d’affinité, qu’elle a conservé depuis. Cette affinité est l’attraction mutuelle des atomes ; nous avons vu plus haut comment se peut concevoir la formation d’une molécule, et nous avons reconnu qu’il y a des molécules chimiquement homogènes et des molécules chimiquement hétérogènes. Ainsi la définition de l’affinité est tout à fait générale ; les atomes tendent à s’unir à d’autres atomes, soit semblables à eux (molécule homogène), soit différents (molécule hétérogène). Cette attraction mutuelle des atomes est-elle, comme on l’a cru, un cas particulier de l’attraction newtonienne ? D’après les données actuelles de la science, cela n’est pas probable, attendu que suivant la loi de Newton les corps s’attirent proportionnellement aux masses. Les atomes les plus lourds (or et platine) devraient donc avoir des affinités puissantes, tandis que les atomes les plus légers (hydrogène, oxygène, carbone), auraient des affinités faibles. Cela est manifeste-

  1. H. Sainte-Claire Deville.