Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/604

Cette page n’a pas encore été corrigée
594
revue philosophique

fait l’antécédent régulier, constant de ce fait. Bien que cette définition soit celle de Kant, de Schopenhauer et de Mill, l’autorité de ces grands philosophes ne suffit pas pour la faire accepter. « Elle est embarrassée pour expliquer la succession régulière du flux et du reflux, du jour et de la nuit. Ce qui est le pire, elle sépare la cause et l’effet par la durée, tandis que la cause pleine doit être conçue comme coïncidant exactement avec le commencement de son effet. » — La grande tendance de la science moderne est de se résoudre en mécanique ; mais la conscience morale s’effraye d’une telle tendance. Le monde que lui présentent Démocrite et Newton ne suffit pas à ses aspirations. Elle veut briser le cercle de fer où l’enserre la nécessité des lois mécaniques. Elle veut, suivant le mot de Lucrèce »

Principium quoddam quod fati fœdera rumpat,
Ex infinito ne causam causa sequatur.

La science semble bien découvrir dans la nature des puissances réfractaires à la régularité mécanique de la pesanteur : ainsi les propriétés que la matière manifeste dans les formes des cristaux et les combinaisons chimiques. Telles sont encore les énergies inconscientes qui président à la perception^ et qu’ont mises en lumière les enseignements de la philosophie idéaliste du passé combinés avec les récentes découvertes de la physiologie des sens. Mais, pour être différente de la nécessité mécanique de la pesanteur, l’activité que la nature déploie dans ces productions supérieures reste toujours une activité aveugle et fatale. Voyons si, en analysant de plus près et à d’autres points de vue l’activité du moi, nous ne trouverons pas la liberté que nous cherchons. Elle ne peut se rencontrer que dans la volonté. Une analyse minutieuse de cette faculté nous apprend d’abord que « tout vouloir suppose un mouvement involontaire ; qu’originairement ce qui est voulu doit être représenté —, qu’on ne peut vouloir que ce qu’on a réussi à faire déjà d’une manière automatique et aveugle ; que la volonté ne crée pas et se borne à diriger ; que l’acte approprié n’est réalisé que peu à peu après bien des tâtonnements. »

Tœnnies : Remarques sur la philosophie de Hobbes (2e  article).

Les Elements of law, natural and politic contiennent, dans les six premiers chapitres, la doctrine de Hobbes, à la date de 1640, sur la connaissance et la science. Son relativisme s’y formule nettement, ainsi que sa conception du rôle des mots, de la valeur de la connaissance mathématique. Il insiste sur les mêmes idées dans le Léviathan,’651. « Aucun raisonnement ne peut aboutir à un savoir absolu sur un fait quelconque, soit passé, soit futur. Là science des faits est d’abord une.sensation, puis après toujours un souvenir. La connaissance des rapports, qu’on désigne sous le nom de science, n’est pas une science absolue, mais relative. Nous ne connaissons que d’une manière relative, et encore non pas le rapport d’une chose à une autre, mais du nom d’une chose à un autre nom de la même chose. » Hobbes