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REVUE DES PÉRIODIQUES ÉTRANGERS


PHILOSOPHISCHE MONATSHEFTE

1879, X. — 1880, I, II, III.


A. Stadler : Kant et le principe de la conservation de la force.

On ne peut étudier les Principes métaphysiques de la science de la nature (Metaphyxischen Anfangsgründen der Naturwissenschaft) sans se demander ce que Kant a pensé du principe de la conservation de la force, qui joue un si grand rôle dans la science contemporaine. Et l’on constate avec étonnement que Kant ne parle pas de ce principe, tandis qu’il déduit, suivant son expression, l’invariabilité de la matière. Il ne faut pas croire que son attention n’ait pas été appelée de ce côté, et que la philosophie et la science de son temps ne lui en aient pas suggéré l’idée. Descartes avait conclu, de l’immutabilité du Créateur, l’invariabilité de la quantité du mouvement. Au nom de l’éternité des monades et de l’unité de l’univers, Leibniz avait soutenu la constance de toutes les forces qui agissent dans le monde. Kant affirme le même principe dans ses premiers écrits. Dans son essai sur la mesure des forces vives, il y voit « une belle règle de la nature ». Il ne se lasse pas d’en faire ressortir l’importance dans le traité de 1763, sur les grandeurs négatives. Il semble donc qu’il n’a pu qu’à dessein omettre dans ses écrits critiques un principe qui avait si souvent occupé sa pensée dans ses œuvres antérieures. Kant montre bien que la permanence de la substance matérielle est la condition nécessaire de l’expérience : mais il ne prouve pas avec cela la constance de la force, qui n’est qu’une propriété de la substance. Il faudrait démontrer que la quantité de la substance matérielle dépend de la quantité de la force. « Or la pure synthèse de la critique est incapable de fournir cette preuve. Son point de vue est si général, qu’elle ne sait même pas établir que toute cause est extérieure. Elle ne nous apprend ni ce qu’il faut entendre par une force essentielle de la matière, ni ce que c’est que la quantité d’une force de ce genre. » Du point de vue de la critique, le principe de la conservation de la force ne peut donc être démontré : celui qui, comme K. Dieterich (Kant et Newton), identifie sans autre explication le principe de causalité et le principe de la conservation de la force, n’est plus un simple interprète, mais un continua-