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notices bibliographiques

minéral, respire. L’animal a de plus la faculté de penser, de sentir, de raisonner. L’homme enfin peut seul s’affranchir du corps et lui survivre. Aussi bien chaque être a sa loi qui lui est spéciale, son destin qu’il ne peut éviter, sa nature propre qui se trahit toujours, quelque métamorphose extérieure qu’il subisse. Cette dernière idée notamment est l’une de celles que La Fontaine s’est le plus souvent complu à mettre en lumière dans ses fables. Peut-être, aujourd’hui même, n’est-elle pas indigne d’être méditée.

Au demeurant, l’étude de M. Kulpe sur la philosophie de La Fontaine est méritoire et assez neuve. La tâche était assurément difficile. Vouloir traduire la pensée de notre fabuliste en prose, en allemand et dans la langue de la métaphysique, c’était s’exposer à la trahir trois fois. M. Kulpe y a mis du moins beaucoup de bon vouloir et une sorte de candeur. — Il serait à désirer maintenant que la même tentative fût reprise par un esprit aussi sérieux et plus alerte. M. Taine a pu, avec le talent que l’on sait, interroger les bêtes de La Fontaine sur les mœurs du grand siècle, et traiter ses fables comme des mémoires pour servir à l’histoire de son temps : serait-il moins légitime d’y chercher l’homme lui-même, et n’est-il pas permis d’espérer que l’on connaîtra mieux la nature humaine en empruntant les yeux de l’un des observateurs les plus sagaces qui aient été ? Voilà de quoi tenter à tout le moins, eu un temps où les philosophes ne se piquent pas volontiers de littérature, un littérateur qui se piquerait de philosophie.

H. Dereux.

Bernhard Pünjer. Geschichte der christlichen Religionsphilosophie seit der Reformation, in zwei Bänden. 1er  Band, Bis auf Kant. Braunschweig, Schwetscbke and Sohn. 1880. In-8°, vi-491 p.

Compilation laborieuse et estimable, que la critique doit accueillir avec bienveillance. M. Pünjer publiait en 1874 une dissertation sur la doctrine religieuse de Kant. Il eut le désir de rechercher les antécédents de la remarquable théorie du philosophe de Kœnigsberg et conçut bientôt le plan d’un ouvrage comprenant l’exposition historique de la philosophie religieuse ou philosophie de la religion. Mais dans quelles limites fallait-il circonscrire ce sujet ? À le prendre au sens étroit, si M. Pünjer n’avait eu en vue que les écrivains qui ont donné un système approfondi de philosophie religieuse, il risquait de ne pas remonter au delà de Kant lui-même. Le jeune écrivain a cru devoir l’entendre au sens le plus large et remonter par delà l’Aufklärung, par delà le xviiie siècle français, par delà le déisme anglais, jusqu’à la réformation et même jusqu’à la renaissance philosophique de l’Italie. Heureux de s’en être tenu là ! Car il est visible qu’il avait bonne envie de remonter jusqu’aux origines mêmes du christianisme et sans doute