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incompatibles avec la liberté morale que nous avons conscience de posséder, avec la responsabilité humaine. Enfin elles expliquent tous les phénomènes en les ramenant à un mécanisme universel. Procéder de la sorte, c’est prendre pour accordées ces deux propositions : la nature est intelligible, et la seule explication intelligible, c’est le mécanisme.

Ces deux propositions, sur lesquelles reposent toutes les sciences et de la vérité desquelles dépend leur légitimité, c’est la métaphysique seule qui les peut résoudre ; par conséquent, la nécessité de la métaphysique comme fondement des sciences est évidente. Et cependant les sciences, après s’être longtemps développées avec une entière indépendance et en se tenant soigneusement à l’écart de la philosophie, ont été pendant une grande partie de ce siècle jusqu’à manifester contre celle-ci une violente hostilité ; les aventureuses tentatives de la métaphysique allemande et son bruyant effondrement vers 1848 nous donnent la raison de ce fait. Mais cette animosité ne s’est pas étendue jusqu’à la philosophie de Kant, parce qu’elle n’a pas la prétention de refaire la science par des constructions à priori ; elle se place à un point de vue tout à fait distinct ; elle est conciliable avec toutes les doctrines scientifiques et fournit mieux que toute autre le moyen d’en justifier l’autorité.

Le problème qui s’impose à la pensée moderne, c’est en effet la relation entre le sujet pensant individuel et l’univers réel. Ce problème se décompose en trois questions : 1° Comment l’individu pensant peut-il connaître le monde ? 2° Quel est le mode d’existence de l’univers ? 3º Quels sont les rapports entre la volonté de l’individu et l’univers régi par des lois ? (Ce qui rend cette dernière question spécialement intéressante, c’est l’influence qu’elle doit exercer sur nos croyances morales et religieuses.) La méthode qu’il convient d’adopter pour résoudre ces difficultés, c’est de faire, comme Kant, la théorie critique de la faculté de connaître, c’est-à-dire une logique transcendentale.

Nous ne suivrons pas M. Adamson dans l’analyse qu’il présente de la philosophie de Kant : c’est un exposé très clair, très exact et très complet, mais qui ne saurait rien nous apprendre de nouveau. L’auteur s’applique surtout à faire ressortir l’unité de cette doctrine et la dépendance réciproque des trois Critiques tant de fois présentées comme inconciliables et contradictoires. « Le dernier mot de cette théorie, dit-il, c’est que la raison seule peut nous donner la connaissance suprême des faits et nous faire comprendre les données de l’expérience en saisissant l’unité de l’univers. »

La métaphysique et la science ont deux domaines absolument distincts et ne peuvent sans inconvénients graves employer les procédés l’une de l’autre. Dans le domaine de l’expérience, c’est-à-dire du mouvement et des forces, de l’espace et du temps, la science est possible et souveraine. Elle a pour point de départ et pour condition les intuitions des sens ; elle ne peut avancer que grâce à l’expérience puissamment secondée par le calcul et les raisonnements mathéma-