Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/565

Cette page n’a pas encore été corrigée
555
ANALYSES. — mantegazza. Fisiologia del dolore.

réserve les accepter. Mais l’interprétation, à mon sens, ne paraît pas être hors de toute contestation.

Nous pouvons regarder comme certain que l’excitation forte, douloureuse, d’un nerf sensitif, ralentit le cœur, accélère la respiration, diminue la température. Mais ces phénomènes sont-ils dus à la douleur même ? Qu’arrive-t-il en effet lorsqu’un nerf primitif est excité fortement, le nerf sciatique par exemple ? L’excitation se transmet à la moelle, puis, cheminant dans la moelle, atteint les centres nerveux, où la douleur est perçue. Le ralentissement du cœur, l’accélération des mouvements respiratoires, la diminution de la température peuvent donc être dus soit à l’excitation de la moelle, soit à l’excitation des centres nerveux supérieurs, où siège la douleur. La question se pose ainsi. Lorsque le cœur se ralentit après l’excitation du nerf sciatique, le ralentissement est-il dû à ce que la moelle excitée excite le pneumogastrique, modérateur du cœur ? ou à ce que la douleur perçue dans les centres nerveux excite elle-même directement le pneumo-gastrique ? La douleur, au lieu d’être la cause du ralentissement du cœur, n’est-elle pas produite par la cause même qui ralentit le cœur, à savoir l’excitation de la moelle ?

Pour répondre à cette question, il n’y a qu’une seule expérience possible : c’est la suivante. On constate que l’excitation du nerf sciatique, sur une grenouille intacte, ralentit le cœur. Ensuite, on enlève l’encéphale, lequel est évidemment le siège de la douleur. Est-ce qu’alors l’excitation du nerf sciatique produira quelque effet sur le rythme cardiaque ? Or cette expérience a été faite par M. Mantegazza lui-même (16 a, 17 a, p. 53, 54), qui a constaté que, sur des grenouilles privées de cerveau, l’excitation du nerf sciatique produit encore le ralentissement du cœur. On ne peut, dans ce cas, invoquer comme cause de ce phénomène la perception d’une sensation douloureuse dans l’encéphale, puisque l’encéphale — et avec lui la douleur — a été supprimé. Il est donc probable que la contraction des vaisseaux de la périphérie (de la moelle) et le ralentissement du cœur (excitation du nerf pneumogastrique) sont des phénomènes dus à l’excitation médullaire, des actions réflexes, et non des phénomènes dus à l’excitation du cerveau douloureusement ébranlé.

L’action des anesthésiques ne peut guère servir à élucider cette question, attendu que les anesthésiques, à faible dose, suppriment non pas la douleur proprement dite, mais le retentissement prolongé de la douleur ; d’ailleurs, à faible dose, ils ne suppriment pas plus l’action réflexe que la douleur, de sorte qu’on peut constater encore le ralentissement du cœur, la contraction des vaisseaux de la périphérie, a la suite d’excitations sensitives douloureuses. Si l’on emploie des doses plus fortes, de manière à supprimer la douleur, on supprime aussi ou du moins on diminue beaucoup — l’action réflexe. Ainsi que cela est démontré par d’innombrables expériences, ces anesthésiques agissent sur la substance grise de la moelle presque aussi bien que sur