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g. séailles.philosophes contemporains

Par sa théorie de l’intelligence, M. Vacherot veut donner satisfaction tout à la fois à l’esprit scientifique et à l’esprit historique du xixe siècle, concilier les divers systèmes philosophiques et ne rien affirmer qui ne soit établi par les procédés rigoureux de la science. Voyons d’abord comment cette théorie explique l’origine des divers systèmes et comprend les vérités relatives sur lesquelles ils se fondent.

Le sensualisme a tort quand il ne voit dans l’esprit qu’un miroir où les objets se réfléchissent, une sorte de capacité vide que les phénomènes remplissent ; il a raison quand il recommande l’observation, l’expérience et l’analyse, quand il ordonne de chercher le vrai dans la réalité qui le contient ; la philosophie critique a tort quand elle ne voit dans les principes de la connaissance que des formes vides sans aucune réalité objective ; elle a raison quand elle fait sa part à l’activité de l’esprit, quand elle montre dans l’unité la loi qui domine cette activité, la loi dont tous les principes de l’entendement et de la raison ne sont que des corollaires. Le matérialisme fait de l’étendue l’unique réalité, mais l’étendue n’est que la condition première de toute représentation de la réalité sensible, elle n’exprime que les rapports de coexistence, elle n’est qu’une abstraction ; nous savons ce qui condamne le matérialisme ; nous savons aussi ce qui le fait naître : rien n’existe dans la nature pour l’esprit que ce qui a été d’abord représenté par l’imagination ; la catégorie de l’espace précède et accompagne toutes les autres catégories ; on prend la condition de la représentation des phénomènes pour la condition de leur existence. Le spiritualisme par sa théorie des monades, dont il trouve le type dans la conscience individuelle, méconnaît l’unité de la vie universelle, dissout le monde en une poussière d’êtres ; nous le combattons ; il affirme la connaissance réfléchie de l’esprit par l’esprit qui se sent tel qu’il est, tout ce qu’il est, une force une, active et libre ; il réduit l’Être à la force : nous sommes avec lui. L’idéalisme d’un petit nombre d’idées innées veut tirer la philosophie tout entière, construire le monde à priori ; on lui oppose que les vérités transcendantes sont immanentes, que les idées n’existent que dans les choses en lesquelles elles sont réalisées, « que la science se fait avec l’esprit, qu’elle ne se fait pas de l’esprit, » que c’est du réel qu’il faut dégager l’intelligible ; on affirme avec lui que les idées sont les vrais principes des choses, l’unique objet de la science, qui consiste à découvrir dans ce qui est ce qui doit être. Ainsi M. Vacherot prétend, en supprimant les systèmes, concentrer dans le sien l’âme de vérité qui les a fait naître, qui les fait vivre encore et qui toujours menace de les ressusciter.