Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/543

Cette page n’a pas encore été corrigée
533
Th. ribot. — la memoire comme fait biologique.

inscrit par là même. On peut objecter, à la vérité, que l’état de conscience implique une action nerveuse et quelque chose en plus. Peu nous importe : si l’état nerveux primitif, celui qui répond à la perception, a suffi à susciter ce quelque chose en plus, l’état nerveux secondaire, celui qui répond au souvenir, y suffit également. Les conditions sont les mêmes dans les deux cas, et la solution de cette difficulté, si elle est possible, incombe à une théorie de la perception, non à une théorie de la mémoire.

Ce résidu psychophysiologique, nous pouvons l’appeler avec Wundt une disposition et faire remarquer avec lui en quoi il diffère d’une empreinte. « Des analogies tirées du domaine physiologique font ressortir cette différence. Dans l’œil qui a été exposé à une lumière intense, l’impression reçue persiste sous la forme d’une image consécutive. L’œil qui chaque jour compare et mesure des distances et des relations dans l’espace, gagne de plus en plus en précision. L’image consécutive est une empreinte ; l’accommodation de l’œil, sa faculté des mesures est une disposition fonctionnelle. Il se peut que, dans l’œil non exercé, la rétine et les muscles soient constitués comme dans l’œil exercé ; mais il y a dans le second une disposition bien plus marquée que dans le premier. Sans doute on peut dire que l’accoutumance physiologique des organes repose moins sur leurs changements proprement dits que sur les empreintes qui restent dans leur centre nerveux. Mais toutes les études physiologiques relatives aux phénomènes d’habitude, d’adaptation à des conditions données, b etc, montrent que là même les empreintes consistent essentiellement en des dispositions fonctionnelles[1]. »

II. Ces considérations nous conduisent au point sur lequel nous voulons insister. Les associations dynamiques des éléments nerveux jouent un rôle bien plus important encore dans la mémoire de la conscience que dans celle des organes. Nous pourrions répéter ce qui a été dit plus haut ; mais cet aspect de la question a été si peu étudié qu’il est préférable de le reprendre sous une autre forme.

Chacun de nous trouve dans sa conscience un certain nombre de souvenirs : des images d’hommes, d’animaux, de villes, de campagnes, des connaissances scientifiques, historiques, des langues, etc. Ces souvenirs nous reviennent sous la forme de séries plus ou moins longues. La formation de ces séries a été bien expliquée par les lois d’association entre les états de conscience : nous n’avons rien à

  1. Grundzüge der physiologischen Psychologie, p. 791.