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En résumé, nous pouvons nous représenter le système nerveux comme traversé par de perpétuelles décharges. Parmi ces actions nerveuses, les unes répondent au rythme incessant des actions vitales ; d’autres, en bien petit nombre, à la succession des états de conscience ; d’autres, en bien plus grand nombre, constituent la cérébration inconsciente. Les 600 millions (ou 1 200 millions) de cellules et les quatre ou cinq milliards de fibres, même en déduisant celles qui sont au repos ou qui restent inoccupées toute la vie, offrent un assez beau contingent d’éléments actifs. L’encéphale est comme un laboratoire plein de mouvement où mille travaux se font à la fois. La cérébration inconsciente n’étant pas soumise à la condition du temps, ne se faisant pour ainsi dire que dans l’espace, peut agir dans plusieurs endroits à la fois. La conscience est l’étroit guichet par où une toute petite partie de ce travail nous apparaît.


Nous venons de voir en quoi consiste le rapport de la conscience à l’inconscient ; nous sommes fixés par là même sur le rapport de la mémoire psychique à la mémoire organique : ce n’est qu’un cas particulier. D’une manière générale, ce qui a été dit de la mémoire physiologique s’applique à la mémoire consciente ; il n’y a qu’un facteur en plus. Il est utile cependant de reprendre la question à nouveau et en détail.

Nous avons encore ici à examiner deux choses : les résidus et leurs groupements.

I. Les anciennes théories sur la mémoire, ne l’ayant guère considérée que sous son aspect psychologique, lui ont donné pour unique base des « vestiges », des « traces », des « résidus », et ont eu le tort d’employer souvent ces termes dans un sens équivoque. Tantôt il s’agit d’empreintes matérielles dans le cerveau, tantôt de modifications latentes conservées dans l’âme. Ceux qui ont adopté cette dernière opinion restaient dans la logique. Mais cette thèse, quoiqu’elle compte beaucoup de partisans parmi ceux qui s’abstiennent de physiologie, est insoutenable. Un état de conscience qui n’est plus conscient, une représentation qui n’est plus représentée est un pur flatus vocis. Retrancher d’une chose ce qui en constitue la réalité, c’est la réduire à un possible ; c’est dire que, lorsque ses conditions d’existence reparaîtront, elle reparaîtra : ce qui nous ramène à la thèse exposée plus haut sur l’inconscient.

Pour nous, la question des « résidus psychologiques » est résolue d’avance. Si tout état de conscience implique à titre de partie intégrante une action nerveuse, et si cette action modifie les centres nerveux d’une manière permanente, l’état de conscience s’y trouve