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LA MÉMOIRE

COMME FAIT BIOLOGIQUE



L’étude descriptive du souvenir a été très bien faite par divers auteurs, surtout par les Écossais ; aussi le but de ce travail n’est pas d’y revenir. Je me propose de rechercher ce que la nouvelle méthode en psychologie peut nous apprendre sur la nature de la mémoire ; de montrer que les enseignements de la physiologie unis à ceux de la conscience nous conduisent à poser ce problème sous une forme beaucoup plus large ; que la mémoire, telle que le sens commun l’entend et que la psychologie ordinaire la décrit, loin d’être la mémoire tout entière, n’en est qu’un cas particulier, le plus élevé et le plus complexe ; mais que, pris en lui-même et étudié à part, il se laisse mal comprendre ; qu’elle est le dernier terme d’une longue évolution et comme une efflorescence dont les racines plongent bien avant dans la vie organique ; en un mot, que la mémoire est, par essence, un fait biologique ; par accident, un fait psychologique.

Ainsi entendue, notre étude comprend une physiologie et une psychologie générales de la mémoire et en même temps une pathologie. Les désordres et les maladies de cette faculté, classés et soumis à une interprétation, cessent d’être un recueil de faits curieux et d’anecdotes amusantes qu’on "ne mentionne qu’en passant. Ils nous apparaissent comme soumis à certaines lois qui constituent le fond même de la mémoire et en mettent à nu le mécanisme.

I

Dans l’acception courante du mot, la mémoire, de l’avis de tout le monde, comprend trois choses : la conservation de certains états, leur reproduction, leur localisation dans le passé. Ce n’est là cependant qu’une certaine sorte de mémoire, celle qu’on peut appeler