Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/525

Cette page n’a pas encore été corrigée
515
j. sully. — le plaisir de la forme visuelle.

de proportion. Prenant ces facteurs que je viens de nommer comme le facteur direct, et les opposant aux éléments moins directement associés ou facteur indirect, je suis porté à croire que le premier l’emporte décidément sur le second dans ce que nous appelons la beauté de la forme. On reconnaîtra, je crois, que toute belle forme, au fond, doit son charme soit au caractère spécialement agréable de ses éléments (oculaires ou tactiles), soit à la présence d’un grand nombre d’aspects distincts de variété et d’unité. La première est la beauté des formes simples, la seconde celle des formes compliquées.

Quant à la valeur des associations moins abstraites, sur lesquelles M. Gurney a insisté dans l’article déjà mentionné, je crois que, bien que réelle, elle est bien moins grande dans le cas des formes visuelles que dans celui des formes mélodiques[1]. Je conviens parfaitement avec lui que le charme sans nom de certaines mélodies doit être attribué à un mécanisme de suggestions trop subtil pour que nous puissions le suivre. Mais, dans le cas de la forme visuelle, les éléments associés me paraissent être en général bien mieux définis et plus facilement reconnaissables, et quoique, comme je l’ai indiqué, la valeur esthétique des formes libres et non imitatives puisse fréquemment être attribuée en partie à des associations avec des objets particuliers, ces éléments associés me paraissent ne constituer jamais la beauté principale de ces formes. Parlant, dès lors, avec cette réserve qui convient à toute affirmation sur un sujet où la détermination scientifique précise doit être remplacée par une vague opinion individuelle, je dirai que ces variétés de l’art où la forme visuelle compte comme la fin principale, plus particulièrement le dessin décoratif sans couleurs et l’architecture, contrastent avec la musique aussi bien qu’avec les arts nettement imitatifs par la faiblesse de leur facteur (indirectement) associé, comme ils contrastent certainement avec la musique et les arts de la couleur par la faiblesse de leur élément directement sensoriel.

James Sully.
  1. Non pas parce qu’il est plus facile de combiner des éléments de forme que des éléments de son de manière à ne pas nous rappeler l’expérience réelle (cela est au contraire moins facile, parce que les sons eux-mêmes sont moins imitatifs que les éléments de la forme visuelle), mais plutôt parce que les suggestions émotionnelles sont moins puissantes dans le premier cas que dans le second. Pour le charme d’une forme concrète, comme celui de la face humaine, je pense avec M. Gurney que la suggestion peut avoir une influence aussi puissante que dans la forme mélodique.