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De même que les dissonances et les suspensions de l’intervalle de ton et de l’égalité de temps qui ont lieu parfois en musique, ces irrégularités doivent leur piquant au sentiment même de la loi qui est violée, non pas violemment, mais, pour ainsi dire, par un caprice enfantin.

Dans cette courte analyse de ce qui agit comme facteur direct dans le plaisir visuel de la forme, j’ai regardé l’activité immédiate de l’œil comme quelque chose de définitif, faisant seulement allusion çà et là aux effets de l’habitude pour faciliter certains genres d’activité motrice. Mais les idées psychologiques modernes nous permettront d’expliquer jusqu’à un certain point comment l’œil en est venu à être constitué de manière à prendre plaisir aux genres d’activité qui viennent d’être décrits. Il n’y a de place ici que pour un court éclaircissement de cet aspect du sujet.

La doctrine de l’évolution nous conduit à considérer un organe de perception, ainsi que ses modes ordinaires d’action, comme lentement déterminés par l’action des causes environnantes et les besoins de la vie pratique. Une partie de cette opération se produit dans la vie individuelle, ayant pour résultat le choix des actes habituels, comme étant les plus faciles et les plus agréables. Une partie aussi réclame la vie tout entière de la race pour en venir à bout, et a pour résultat une certaine structure et une certaine disposition innées. Les modes de perception visuelle agréable vérifient ces procédés d’adaptation aux conditions de la vie pratique. Ainsi, comme j’y ai déjà fait allusion en passant, la préférence de l’œil pour la direction horizontale, pour les mouvements symétriques de convergence et ainsi de suite, tout cela pourrait s’expliquer, peut-être, comme résultant d’habitudes déterminées par la plus grande utilité de ces mouvements particuliers. Et il est probable, comme le suggère Wundt, que les particularités innées du mécanisme oculaire qui favorisent certains genres de mouvement, comme le mouvement horizontal et les mouvements qui partent du centre du champ, sont elles-mêmes le résultat d’un long progrès d’adaptation de race.

Ce qui s’applique aux modes les plus naturels et les plus agréables de mouvement oculaire s’applique aussi aux modes plus agréables de l’appréciation intellectuelle de la forme. Le sentiment même que nous éprouvons pour l’unité de la forme se rattache probablement à ces besoins profonds de notre existence qui ont déterminé la structure de notre organe intellectuel à être ce qu’elle est. Et, pour la valeur esthétique des divers modes de cette unité, l’action des circonstances environnantes devient frappante. Ainsi, par exemple, l’instinct naturel qui porte l’œil cultivé à chercher dans un dessin