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reste, il faut remarquer que, en ce qui concerne « les mouvements de convergence » (lesquels rapprochent les axes l’un de l’autre, ou vice versa), les mouvements symétriques, qui s’exécutent en suivant une ligne qui s’éloigne dans le plan médian du corps, ont à tel point une supériorité naturelle sur les mouvements non symétriques, que dans le premier cas les mouvements des deux yeux sont exactement semblables, mais non pas dans le second. Le sentiment d’aise plus grand qui accompagne ces mouvements symétriques s’explique probablement, du moins en partie, par le besoin constant d’exécuter ces mouvements en transportant les yeux de points voisins à des points éloignés, tous situés dans ce plan médian.

Passons maintenant aux aspects subjectifs de ce mouvement oculaire. Quoiqu’il y ait encore beaucoup d’incertitude sur la composition exacte des sensations de mouvement, on peut considérer comme suffisamment prouvé qu’ils contiennent un élément actif ou « sentiment d’innervation » qui est corrélatif avec l’excitation centrale des libres motrices, et un élément passif ou sensation tactile qui est en rapport avec une excitation réflexe des fibres sensitives, laquelle résulte de certaines différences dans les tensions et la pression réciproque des différentes parties de la peau, à la suite du mouvement. La reconnaissance de ce double élément dans les sensations de mouvement pourra nous aider à comprendre les plaisirs du mouvement oculaire.

On admettra, je pense, comme une vérité à la fois fournie par l’expérience et pouvant se déduire de principes plus généraux, que tout mouvement d’un organe est accompagné d’un sentiment de plaisir, si léger qu’il soit, pourvu qu’il ait une durée et une vitesse appréciables, et que d’autre part il ne soit pas excessif, soit comme violemment rapide, soit comme démesurément prolongé dans le temps par la répétition, soit enfin comme démesurément prolongé dans l’espace ou poussé au delà des limites de la contraction musculaire ordinaire et aisée. On verra que les mouvements de l’œil vérifient cette loi, quoique, en raison du faible calibre des muscles oculaires, le plaisir et la fatigue qui s’y rapportent puissent paraître des quantités insignifiantes. Les plaisirs du mouvement oculaire sont ainsi renfermés dans des limites définies, à savoir une certaine durée d’une certaine vitesse d’un mouvement s’effectuant dans la partie centrale du champ de la vision. De plus, les mouvements qui réclament une plus grande quantité de mouvement musculaire deviennent plus vite fatigants que les autres, comme nous pouvons le voir dans le cas où l’on suit les contours d’objets très rapprochés, en faisant converger les axes. Enfin, certaines combinaisons d’action