I. Au numéro II d’une Étude publiée ici même, récemment, Sur le rôle et la légitimité de l’intuition géométrique[1], j’ai insisté sur le contraste qui existe entre la précision absolue du sens géométrique s’exerçant dans sa sphère propre, c’est-à-dire dans l’ordre idéal , et la grossièreté relative de l’observation externe. Ce contraste, que font ressortir à tout instant les applications des mathématiques aux choses concrètes, prouve bien, comme je me proposais à cet endroit de le faire, l’impossibilité d’assimiler les données de l’intuition aux résultats de l’expérience et , par suite , d’attribuer directement ces données à l’observation. C’était, d’ailleurs, presque évident : car, comment l’expérience aurait-elle pu nous apprendre, par exemple, que le rapport de toute circonférence à son diamètre est exprimé, avec une approximation indéfinie, par le nombre constant
alors que, même en nous aidant d’instruments de mesure perfectionnés, nous avons beaucoup de peine à évaluer la longueur d’un corps avec une approximation relative d’un dix-millième. Et si, après tant de progrès, réalisés par l’art, dans la construction des instruments, et peut-être même par la nature, dans celle de nos organes, nos observations personnelles restent à ce point imparfaites en comparaison des résultats précis qu’obtient par la voie rationnelle l’intuition géométrique , le même défaut d’exactitude n’a-t-il pas, à plus forte raison, entaché les observations qu’ont faites nos ancêtres, et dont le fruit aurait pu, d’une certaine ma-
- ↑ Voir la Revue philosophique d’octobre 187