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Ch. richet. — de l’influence des mouvements.

sation, que l’excitation À soit remplacée par l’excitation A’différente de la première. Sinon il n’y aura aucun effet sensible, soit sur les nerfs, soit sur les centres nerveux, ou du moins l’effet sensible ne se sera produit qu’au début. Quelques secondes après le début d’une excitation constante, toute sensation a disparu. En réalité, il n’y a jamais pour nos sens d’excitation unique ; il y a une série d’excitations différentes etc., qui, se répétant très rapidement, finissent par donner une sensation définitive. La diversité semble être la devise du système nerveux sensitif. Une sensation unique devient très vite nulle, si elle n’est pas interrompue ou modifiée. Le rôle des appareils musculaires annexés à nos sens est donc de substituer à l’excitation unique que les objets extérieurs immobiles leur donnent, une série d’excitations successives qui agissent par leur répétition et leur incessante transformation.

Ajoutons que toute excitation unique qui est perçue avec netteté est généralement très petite, en dimensions sinon en intensité, pour la vue et le toucher par exemple, de sorte que, pour la perception d’un objet tant soit peu étendu, il faut nécessairement que nos appareils sensibles se déplacent très rapidement. Sinon il ne sera possible d’apprécier qu’une très minime portion de l’objet extérieur.

En somme, il ne faut pas s’imaginer que, pour recevoir les sensations, l’être reste inactif. Au contraire, il est toujours en mouvement, soit consciemment, soit inconsciemment. Il y a entre les sensations et les mouvements une chaîne sans fin qui n’est brisée que par l’artifice de la démonstration. Une sensation quelconque A provoque un mouvement B. Ce mouvement B est destiné à faire naître une sensation nouvelle très voisine de la première. La sensation A, provoque à son tour un mouvement nécessaire à la sensation , et ainsi de suite, jusqu’à ce que la sensation définitive soit jugée suffisante.

Ainsi, de même que la sensation provoque le mouvement, de même le mouvement est nécessaire à la sensation. D’ailleurs on ne saurait concevoir un être sensible et immobile. Ce serait une monstrueuse absurdité qu’un être inerte, subissant les excitations extérieures et incapable de s’y soustraire ou de les rechercher. Dans la nature, cette absurdité n’existe pas, et, même pour les organismes inférieurs, il y a toujours mouvement, dès qu’il y a sensibilité.

Charles Richet.