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ment, je dirai, pour fixer les idées, l’appareil musculaire. Il suffit de se rappeler comment on a appris à lire et à écrire. Il résulte de là que la répétition émousse la sensation et facilite l’action musculaire ; elle amoindrit ainsi la vivacité de l’image ou le sentiment de l’effort. Vous parcourez une route habituelle sans remarquer ni les détours qu’elle fait, ni les arbres ou les maisons qui la bordent. On accomplit parfois sa besogne si machinalement qu’on oublie l’instant d’après qu’on l’a faite. À qui n’arrive-t-il pas de lire des yeux seulement plusieurs pages de suite sans la moindre participation de l’esprit ?

Mais la répétition permet aussi d’obtenir avec le même effort un mouvement beaucoup plus considérable, comme cela arrive dans les machines bien faites ; et cette amplitude dans le mouvement donne à l’idée sa netteté. L’habitude que j’ai de voir mes enfants peut être cause qu’il ne me souvienne pas en ce moment si je les ai vus aujourd’hui, ni quels habits ils ont revêtus ; mais, d’un autre côté, elle me donne le moyen de me remémorer leurs traits exactement et facilement. Tantôt donc elle a pour résultat de me rendre indifférent ou même insensible à leur présence, tantôt de m’en donner une reproduction plus vive et plus fidèle. La diminution de la résistance conduit ainsi à deux effets en apparence contradictoires, mais qui s’expliquent sans peine.

Dans les altérations produites par la répétition sur les sensations et les mouvements, on peut distinguer quatre moments principaux. La sensation est effective, quand on en connaît et la nature et la cause ; elle est réminiscence ou souvenir, quand on en connaît la nature et non la cause ; elle est vague, quand on n’en connaît ni la nature ni la cause ; enfin elle est inaperceptible, quand elle n’est l’objet d’aucun acte de connaissance.

Le mouvement, à son tour, est volontaire, habituel, instinctif, réflexe ou automatique. Il est volontaire, quand on sait comment et pourquoi on le fait ; habituel, quand on le fait sans savoir comment ; instinctif, quand on, le fait sans savoir ni comment ni pourquoi ;. réflexe, quand on le fait sans le savoir. Plusieurs font dériver des mouvements réflexes la faculté de faire connaître. Je suis d’un avis contraire ; la connaissance a illuminé les débuts de la vie animale, et c’est ainsi que s’explique au mieux l’admirable finalité des mouvements réflexes. Dans cette hypothèse, l’instinct et l’automatisme sont des habitudes transmises par voie de génération.

Or voici où j’en voulais venir. Si l’on réunit sous le nom générique d’habitudes toutes les dispositions acquises ayant pour effet de diminuer l’effort et, partant, l’attention, on peut dire que les habi-