Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/431

Cette page n’a pas encore été corrigée
421
delbœuf. — le sommeil et les rêves

s’applique au modèle. Si, dans une de mes lectures, mes yeux fussent tombés sur le nom de l’Asplenium sans que je me souvinsse de l’avoir vu autrefois, il y aurait eu une seconde édition d’une même image, mais il n’y aurait pas eu de reproduction, dans le sens psychologique du mot. Pour être qualifiée telle, la reproduction doit surgir du fond même de la sensibilité ; c’est l’ancienne image qui doit se revivifier et reprendre au moins une partie de son éclat primitif.

Comment la reproduction est-elle possible ? — voilà un premier point à résoudre. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut encore déterminer d’après quel caractère nous jugeons que les impressions ravivées appartiennent à notre passé. Parfois, dans une étoffe, d’anciennes taches reparaissent ; qu’est-ce qui nous permet de dire qu 1 elles sont anciennes ? De là un double problème : celui de la réapparition pure et simple ou de la réminiscence ; celui de la reconnaissance ou du souvenir, la reconnaissance étant ce jugement par lequel on rapporte au passé la formation de l’image reproduite. Dans mon rêve, le mot Asplenium fut l’objet d’un acte de réminiscence. À mon réveil, en tant que je le replaçai dans mon rêve, il fut l’objet d’un premier acte de souvenir ; seize ans plus tard, il donna lieu à un second acte de souvenir, quand je le revis dans l’herbier.


I. — De la réminiscence.


Depuis toujours, les penseurs se sont préoccupés du mécanisme de la reproduction. Ils ont remarqué que les idées ont une tendance à s’associer d’après certaines lois. Ils ont découvert et la loi de simultanéité, en vertu de laquelle sont reliées les impressions qu’on a reçues en même temps et qui appartiennent ainsi à un même tableau, — celui qui entend le sifflet de la locomotive songe à la machine, — et la loi de succession qui rattache l’une à l’autre les impressions formant une série et faisant partie d’un même événement, — c’est ainsi que l’on retient tous les incidents d’une longue maladie. À ces deux lois, on ajoute encore celle de la ressemblance, qui fait que le semblable rappelle le semblable — le portrait évoque l’original — et celle du contraste qui associe les extrêmes — tels que le jour et la nuit, le froid et le chaud, le plaisir et la douleur.

Occupons-nous d’abord des associations par voie de simultanéité et de succession.

Nous avons vu comment, dès que les organes des sens reçoivent une impression, les molécules sensibles et musculaires, ébranlées