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b. pérez. — développement du sens moral

les tenir, de les caresser, de comprendre leurs gestes, de sympathiser avec leurs émotions, l’enfant reçoit des leçons de morale, qu’il faut s’efforcer de rendre bénignes et profitables. Il est bon de ne pas laisser un enfant de dix mois expérimenter seul la bonne volonté d’un animal, de ne pas laisser l’animal à sa disposition, de ne pas le battre trop souvent devant lui, et de le caresser aussi souvent que possible en présence de l’enfant. L’enfant de dix mois est encore incapable de se bien comporter avec les animaux, il faut que tout ce qu’il voit alimente en lui cette sympathie animale qui recouvre la plupart du temps chez l’enfant civilisé la primitive cruauté. Nos exemples commenceront en lui cette éducation du sens moral, relative aux bons traitements envers les animaux ; bientôt nos avertissements, nos réprimandes et nos encouragements, fortifieront ces habitudes d’humanité, auxquelles tant d’enfants sont réfractaires. Mon neveu Charles n’a compris qu’assez tard la nécessité de ne pas brutaliser les animaux domestiques : il est maintenant (à six ans) très bien dressé par rapport à eux, mais très incomplètement à l’égard de l’espèce animale en général, surtout à l’égard des insectes : il découpe volontiers des limaces et des chenilles avec un couteau, et je l’entendais dire dernièrement qu’il aurait grand plaisir à couper la queue d’une souris. Son frère Fernand, âgé de trois ans, s’est toujours montré très doux envers les animaux.

Les relations des enfants avec les animaux peuvent fournir, pour développer le sens moral, des moyens que tout bon éducateur saura employer à propos, suivant l’âge, le caractère et le tempérament de l’enfant. Parmi ces moyens, il en est un, dont M. Bain, après d’autres auteurs de livres pédagogiques, a signalé les abus possibles.

« On présente souvent aux enfants, dit-il, l’exemple des animaux, surtout pour les exciter au travail. Il est convenu que l’abeille et la fourmi doivent faire rougir tous les paresseux. Gomme exercice d’imagination agréable, des comparaisons de ce genre sont supportables ; mais il est absolument illogique de comparer des êtres aussi différents que des hommes et des insectes. Il est impossible de citer une seule personne que l’exemple de l’abeille ait réellement convertie au travail, et on est en droit de douter qu’aucun animal ait jamais servi à nous inculquer une vertu ou à nous prémunir contre quelque vice. Des comparaisons de ce genre ne peuvent jamais être traitées sérieusement ; ce sont tout simplement des jeux d’imagination et des amusements qui peuvent facilement dégénérer en niaiseries. Bien qu’il soit impossible de rendre les enfants logiques (?), il n’est pas nécessaire de les rendre illogiques par des comparaisons fausses. Si la fourmi est un modèle de travail, elle est également un