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LE DÉVELOPPEMENT DU SENS MORAL

CHEZ LE PETIT ENFANT


Le sens moral, dans la plus large extension du mot, est le discernement de ce qu’il convient de faire ou d’éviter, relativement à soi ou aux autres êtres. On pourrait l’appeler le sens de la prudence, de la justice, de la force et de la modération. S’il existe dans l’enfant à l’état de prédisposition héréditaire, ainsi que l’ont pensé Darwin, Tyndal, Romanes, etc., il doit apparaître chez chacun à une époque plus ou moins avancée et avec des inégalités correspondant, soit aux différences originelles, soit aux différences éducatives. C’est, au surplus, ce que l’observation démontre avec évidence.

À l’âge de trois ou quatre mois, l’enfant peut recevoir des habitudes régulières, mais qui ne sont pas morales, parce qu’il n’en a pas conscience. L’enfant de cet âge est absolument incapable de comprendre et même de pratiquer aucune des vertus fondamentales. C’est par une pure association d’idées et d’impressions machinalement reproduites que l’enfant de sept mois grondé et secoué fortement, avait appris de sa mère à ne pas pleurer pour être levé ou tenu sur les bras, quand on ne satisfaisait pas ses demandes. L’égoïsme et l’affectivité sympathique sont encore à cet âge à demi instinctifs et réflexes. Cependant l’enfant, qui déjà sourit avec conscience, qui produit certains mouvements intentionnels, comme celui de tendre les bras en signe de désir ou d’amitié, qui obéit à son père pour un petit nombre d’actes déterminés, ce petit être comprenant déjà ce qui est permis, ce qui est défendu, et réfléchissant avant d’obéir à certains gestes d’ordre ou de défense, commence à montrer les premières lueurs du sens moral.

Ne cherchons guère encore, vers dix mois, que des habitudes, et point de moralité effective. Cependant les bases de la moralité prochaine sont déjà posées à quelques égards, et souvent d’une manière durable. L’inconsciente personnalité du nourrisson sait qu’elle séduit par les caresses, qu’elle commande par le geste, le ton, les