Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée
394
revue philosophique

L’identité* fondamentale des lois biologiques et des lois sociologiques permet de juger, selon le mot de Comte, l’inférieur par le supérieur, c’est-à-dire l’évolution ébauchée par l’évolution achevée, sans faire d’ailleurs appel pour cela aux causes finales transcendantes. Quel est donc le terme supérieur auquel aspire la nature, dès qu’elle arrive à sentir et à penser ? C’est, encore une fois, cette forme supérieure de la vie qu’on nomme la vie en société. Cette vie commence chez les animaux mêmes, elle se développe chez l’homme. On pourrait donc définir le monde un organisme qui tend à devenir conscient et volontaire, une république qui tend à se réaliser elle-même par sa propre idée. Tout au moins est-il certain que cette république universelle est notre fin à nous-mêmes, qu’elle est le terme idéal de l’évolution humaine ; or nous proposons à tous les êtres notre propre fin, n’en connaissant point de supérieure, et il est permis de croire (sans l’affirmer pourtant) que l’analogie de nature qui existe entre nous et les autres êtres justifie l’analogie des fins.

3° Si telles sont les hypothèses que la sociologie suggère sur la nature et sur la fin de l’univers, comment faudra-t-il, d’après les mêmes inductions, s’en représenter le principe ? — Comme une force d’organisation et d’association, immanente à tous les êtres sous la double forme du mouvement extérieur et de la sensation intérieure. Le nom humain de cette force, quand elle est devenue consciente, c’est volonté. Mais rien n’autorise à croire que la conscience claire et la volonté réfléchie soient au commencement des choses ; l’admettre, c’est passer de l’univers à un principe transcendant. Les inductions sociologiques n’autorisent que l’analogie du monde avec un organisme d’abord inconscient, puis de plus en plus conscient, sensible et volontaire.

4° Dans tout organisme, nous avons vu que le mode de formation est la spontanéité, en ce sens qu’il n’est pas besoin d’un architecte extérieur pour le façonner ; de même, et à plus forte raison, toute société consciente se forme elle-même par la doublé action de la sympathie instinctive et de l’idée réfléchie. Une conception analogue peut être transportée au monde entier. On peut croire qu’il n’a pas plus besoin de démiurge que de créateur ; il est à lui-même son architecte.

5° Enfin, par une dernière analogie, la loi commune des organismes, des sociétés et du monde est l’évolution, d’abord inconsciente et mécanique, finalement consciente et ayant l’idée pour moteur suprême. La première sorte d’évolution produit les individus vivants et les espèces ; la seconde produit les sociétés proprement dites. Autre chose est l’espèce naturelle, autre chose la société. La première est