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les procédés essentiels sont la construction et la déduction. Voyez Schelling et Hegel : ils ne prétendent à rien moins qu’à refaire l’histoire par la pensée ; c’est au sujet pensant qu’ils demandent les lois de l’objet à connaître. Le caractère général de cette méthode est donc d’être subjective. Elle a pris d’ailleurs diverses formes, dont la succession a été pour elle un progrès. La philosophie de l’histoire est d’abord toute religieuse et théologique avec les saint Augustin et les Bossuet, dont les Schlegel, les de Maistre et les de Bonald furent les imitateurs. La théologie fait d’un certain dogme le centre de l’histoire et même du monde : tous les événements de l’antiquité n’ont plus d’autre but que de préparer la venue de Jésus-Christ, de même que le soleil et les étoiles n’ont d’autre but que d’éclairer la terre. À cette mythologie de l’histoire succède ce qu’on pourrait appeler la métaphysique de l’histoire, qui substitue à la Providence miraculeuse une Providence agissant selon des lois. Ces lois transcendantes, les métaphysiciens espèrent les déterminer à priori, ce qui les conduit à résoudre la métaphysique en une logique abstraite, dont ils imposent les formules à la nature comme des cadres inévitables. L’un nous parle de l’être, du non-être et du devenir, de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse ; l’autre, de l’infini, du fini et de leur rapport ; on se complaît aux trichotomies métaphysiques comme les pythagoriciens ou les alexandrins s’enchantaient de leurs nombres ou de leurs triades, comme les théologiens, aujourd’hui encore, adorent leur trinité et croient la retrouver en toutes choses. Le principe qui domine à la fois la théologie de l’histoire et la métaphysique de l’histoire, c’est celui des causes finales. On se flatte de connaître le but suprême de l’univers, et on en déduit ce qui a dû exister, ce qui devra exister. Ce finalisme métaphysique, commun aux spiritualistes et aux panthéistes, entraîne les diverses théories de la Providence, consciente pour les uns, inconsciente pour les autres, puis la doctrine des hommes providentiels ou des nations providentielles, le messianisme et le césarisme mystique, la personnification non moins mystique de l’âme des peuples, en un mot l’explication des faits par des entités de toute sorte et de tout rang. — Nous avons connu un homme assez instruit, qui prétendait avoir découvert une nouvelle explication de l’Apocalypse : c’était à ses yeux un traité d’harmonie musicale. Le plus curieux, c’est qu’à force de patience il avait réussi à interpréter musicalement toutes les rêveries du solitaire de Pathmos : il avait fait cadrer les lois arithmétiques des sons ou des accords avec les significations numériques des lettres ou des noms symboliques. « Si je n’ai pas raison, disait-il, expliquez toutes ces coïncidences ! »