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plus que de l’ardeur pour ne pas se laisser rebuter par les difficultés sans cesse renaissantes d’études si contestables et si compliquées, Et pourtant toute cette ardeur n’enlève rien à M. Ribot de sa liberté d’esprit. Quand il en vient à dresser l’inventaire des résultats définitivement acquis, voici la conclusion singulièrement modeste à laquelle il aboutit :

« Des critiques précédentes, ce qui semble résulter, c’est :

« 1° Que sous sa forme mathématique la loi de Fechner est inacceptable ;

« 2° Que l’observation et l’expérience montrent que généralement la sensation croît plus lentement que l’excitation ;

« 3° Que, vérifiée en certaines limites pour les sensations visuelles et auditives, contestée pour les poids, elle ne s’applique pas aux autres sensations.

« À toute question sur la valeur de la loi de Fechner, il ne peut être répondu en bloc : telle est la conclusion de ce qui précède. Pour le présent, nul jugement définitif n’est possible. Qui qu’il advienne de l’œuvre de Fechner, il lui restera la gloire d’avoir posé sous une forme toute nouvelle la vieille question des rapports du physique et du moral, et, comme tout esprit original, d’avoir suscité chez ses adversaires et ses admirateurs des travaux de vérification et de recherche, des tentatives, des efforts en tous sens qui ne se seront pas dépensés en vain. » (P. 214.)

Le chapitre consacré à M. Wundt présente un caractère particulier. Dans tout ce qui précède, l’intérêt vient surtout de la grandeur et de l’originalité des questions étudiées, de la variété des aperçus, de la diversité des observations et des arguments. Il s’agit ici d’un seul auteur, d’une seule doctrine analysée dans ses principaux développements. Il est vrai que cet auteur et que cette doctrine prennent une importance toute particulière si l’on songe que M. Wundt « peut être considéré à l’heure actuelle comme le principal représentant de la psychologie expérimentale en Allemagne » (p. 215). Après tout ce qui précède, quelques-uns des travaux de M. Wundt (sur la théorie des signes locaux, sur la psycophysique) ont perdu quelque peu de leur nouveauté ; mais l’intérêt se retrouve quand M. Ribot nous montre comment toutes les théories du célèbre physiologiste découlent d’une pensée unique et vraiment originale. Cette pensée peut se résumer dans cette formule : « Au fond de tous les phénomènes psychiques, il y a unité de composition ; tous se réduisent finalement à des conclusions. » (P. 283). Mais M. Wundt ne s’arrête pas là. Il ne lui suffit pas de soutenir que toute psychologie se réduit à la logique. Il va plus loin. Il pose « l’identité du mécanisme et de la logique, du physique et du psychique, de l’inconscient et du conscient » (P. 294). Nous n’avons pas l’intention d’instituer une polémique sur ce point ; mais on conviendra que, pour un philosophe absolument ennemi de toute métaphysique, la thèse ne laisse pas que d’être quelque peu aventureuse.