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plus qu’il n’y en a entre le monde organique et le monde inorganique. Si d’ailleurs, dans l’état actuel de nos connaissances, le domaine du transcendant doit être réservé aux spéculations d’une philosophie spéciale, il y a au moins, pour quelques cas déterminés (la Physique sociale de Quételet est citée comme exemple), une méthode pour arriver à la connaissance de lois de ce monde supérieur. D’autre part, la marche de la civilisation dégage de plus en plus la perception de l’impression. Il semble donc que, au moins dans l’avenir, la science sera indéfiniment extensible jusqu’à la limite extrême de la connaissance de l’objectif total. Toutefois et pratiquement, il convient aujourd’hui de la restreindre à son champ actuel, dont l’exploration au reste est encore loin d’être suffisamment complète.

Un second problème à traiter consiste dans l’établissement d’une ligne de démarcation entre les sciences naturelles et les sciences sociales. La distinction faite entre ces sciences est relative à l’ordre des faits dont elles s’occupent, ou plus précisément aux causes de ces faits. Il faut en effet distinguer entre les causes, selon que la volonté en est absente ou y concourt ; on peut appeler les unes naturelles, les autres créatrices, pour mieux désigner ce qui fait leur essence.

Mais, indépendamment de cette classification, il y a lieu d’en faire une autre, en causes efficientes et causes occasionnelles. Par exemple, si un chimiste opère une combinaison dans son laboratoire, la volonté n’agit que comme cause occasionnelle, tandis que les causes efficientes seront les éléments essentiels de la combinaison. Le critérium pour distinguer la nature des causes à ce point de vue consiste à examiner si leur suppression ou leur changement influent sur la causalité, c’est-à-dire le rapport établi entre les causes et les effets.

Dans les sciences naturelles, les causes créatrices n’interviennent que comme occasionnelles ; elles sont efficientes dans les sciences sociales.

Des causes efficientes ou occasionnelles diverses peuvent produire des effets identiques. Si donc on peut conclure de la cause à l’effet, on ne peut pas conclure de l’effet à la cause. S’il y a des cas où une telle induction est légitime, ce n’est nullement par une argumentation à priori qu’elle peut être justifiée.

Le temps et l’espace entrent en fait comme causes efficientes dans les causalités (ce qui est implicitement reconnu en mathématiques) ; leur homogénéité, au point de vue des causes naturelles proprement dites, ne diffère pas, par exemple, de l’homogénéité des corps simples de la chimie. Les propriétés spéciales qu’on leur attribue ne sont pas autre chose que les conséquences de la loi universelle de causation, d’après laquelle une même cause, c’est-à-dire tout ensemble identique de facteurs identiques, produit toujours le même effet.

Les causes créatrices sont des manifestations transcendantes ; par suite, l’idée créatrice en elle-même appartient au domaine de la