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analyses. — wake. The Evolution of Morality.

nité considérée comme une famille de frères. Dans le christianisme comme dans les religions antérieures, l’obligation morale à l’égard d’autrui est plus ou moins subordonnée au salut de l’individu, tandis que, pour A. Comte, l’amour universel est le premier principe d’action, fondé sur les droits du Grand Être, qui contient ceux de chacun de ses membres individuels. » Mais cette conception de l’organisme social, fondement de sa morale, conduit Comte à subordonner trop complètement l’individu à l’espèce, à méconnaître, par suite, le caractère sacré de la liberté personnelle : de plus, le Grand Être ne saurait être l’objet d’un vrai culte, et la religion positiviste est impuissante à exercer une réelle influence sur les âmes.

L’ouvrage de M. Wake se termine par un chapitre où sont exposées quelques vues personnelles qui nous ont paru manquer un peu de développements et de preuves. L’auteur s’efforce de concilier, d’identifier la morale et la religion, qu’il distingue profondément des différents systèmes théologiques. Pour lui, la religion est essentiellement la croyance à une puissance mystérieuse dont la nature n’est que l’expression extérieure et matérielle. Dieu n’est pas distinct de l’univers ; l’ensemble des choses sensibles constitue l’organisme d’une conscience qui réside quelque part dans l’infini et qui sans doute est attachée plus étroitement à un éther impalpable, de même que dans l’homme la pensée, tout en ayant pour instrument le corps entier, réside exclusivement dans le cerveau. L’univers est donc, en un point qu’il nous est impossible de déterminer, capable de raisonnement, de réflexion, et son intelligence doit surpasser la nôtre autant que l’éther l’emporte par la subtilité sur la matière cérébrale. L’évolution de la nature, comme celle du genre humain, n’est que l’épanouissement des puissances latentes de la divinité.

Ces considérations métaphysiques permettent à M. Wake de préciser ce que doit être, selon lui, le véritable but de la vie humaine. « L’universelle existence, embrassant toutes choses, doit être parfaite en elle-même et manifester une harmonie parfaite dans l’action de ses forces ou facultés. Ce que l’homme doit poursuivre, ce qu’il doit finalement atteindre, c’est une perfection morale et intellectuelle semblable à celle que manifeste l’Être divin dont il est une émanation. Cela n’est possible que par une vie parfaite dans toutes ses relations, et particulièrement par l’observation de la véritable loi d’amour, qui exige que rien de ce qui concerne les devoirs de chacun envers lui-même et envers ses semblables ne soit négligé. Cette règle contient toute moralité, non seulement la moralité inférieure, qui concerne l’homme, mais encore la moralité supérieure, qui a Dieu pour objet et qui se confond avec la religion en tant que distincte de la théologie. La sanction des vertus, aussi bien celles qui sont actives que celles qui sont passives, se trouve dans le devoir de l’homme envers lui-même, considéré comme enfant de Dieu, et l’obligation morale peut être ainsi fondée sur la base plus solide du devoir envers Dieu même. Ce qui s’impose à