Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée
249
notices bibliographiques

sentiments agréables ou pénibles, actuels ou idéaux, qui déterminent la conduite. » L’auteur montre que dans une telle doctrine la notion du libre arbitre, par suite celle de la personnalité et de la responsabilité, s’évanouissent. Il reconnaît néanmoins que les positivistes anglais ne vont pas jusqu’aux dernières conséquences que la logique impose à leur système, tandis qu’en Allemagne et en France les représentants les plus autorisés de la nouvelle philosophie n’hésitent pas à subordonner les phénomènes mentaux aux lois physiologiques. Bain et surtout Stuart Mill reculent devant de pareilles conclusions. La modération, l’esprit pratique, traits essentiels du génie national, les empêchent de procéder aussi vite qu’on ne le fait ailleurs, à la démolition des vieux principes de morale sur lesquels repose peut-être la grandeur présente et future de leur pays. Stuart Mill essaie même de ramener dans la science l’idée du libre arbitre en soutenant contre Bain que les faits psychiques ne peuvent être, comme les faits du monde extérieur, prévus et calculés à l’avance ; que dans la vie morale les mêmes circonstances, les mêmes motifs ne produisent pas toujours les mêmes actions ; qu’enfin l’homme a le pouvoir de modifier s’il le veut son caractère : toutes propositions qui sont en contradiction flagrante avec le principe du déterminisme.

Le vice fondamental du positivisme anglais contemporain, c’est, suivant M. Barzellotti, une conception inexacte de ce que doit être l’observation interne. Les philosophes de cette école ne pénètrent pas jusqu’à la cause immédiate des phénomènes mentaux et réduisent la psychologie à n’être, selon leur expression, qu’une histoire naturelle de l’âme. « Ils observent les faits psychiques arrangés en une série ininterrompue comme des images réfléchies dans un miroir, sans penser au pouvoir par la vertu duquel ces faits en viennent à former une série ; ils ne saisissent pas la connexion essentielle qui existe entre l’enchaînement des phénomènes mentaux et la force spontanée de l’esprit. Les psychologues de cette école considèrent ces phénomènes disposés dans la mémoire comme des objets qui glisseraient avec calme et continuité à la surface d’une rivière, mais sans montrer la source d’où ils découlent. L’insuffisance de leur méthode se manifeste encore quand nous les voyons définir l’esprit le récipient inconnu des phénomènes mentaux. »

L’observation interne ainsi incomplète et mutilée s’applique surtout aux phénomènes passés : le souvenir présente, en effet comme une série linéaire d’états de conscience, et c’est là tout ce qu’on peut scientifiquement connaître de l’âme, selon les psychologues en question. Mais, dit M. Barzellotti, « la source originale de tout phénomène humain ne se trouve que dans l’intervention immédiate de l’esprit, dans la détermination libre. Tel est le premier anneau de la chaîne causale. Mais l’intervention de l’esprit est une force transitive qui se dépense aussitôt que son effet est produit, aussitôt que l’acte est commencé ; et c’est seulement en tant que nous avons actuellement conscience de cette force qu’elle peut avoir quelque valeur scientifique