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position prise par les positivistes dans le problème de la liberté. Deux idées sont comme les postulats essentiels des positivistes : celle de l’expérience, comme méthode unique pour arriver à la science ; celle de loi, comme objet suprême de la méthode. Mais la loi n’est pas pour eux ce qu’elle fut d’abord pour les physiciens à qui ils l’empruntèrent, le mode constant des causes ou des forces de la nature : elle n’exprime « qu’une certaine nécessité intrinsèque de succession observée dans les faits ». Les notions de cause et de force sont désormais bannies : la science a achevé son œuvre quand elle a mis en lumière pour chaque ordre des phénomènes l’enchaînement invariable des antécédents et des conséquents.

L’application de ce déterminisme dans le domaine de la psychologie, tel est le but poursuivi avec un rare talent par Bain et Stuart Mill. Ils sont infidèles à Aug. Comte, en ce qu’ils admettent la légitimité de l’observation psychologique, que celui-ci repoussait ; ils sont ses disciples, en ce qu’ils excluent de la science les idées de cause et de force. Aussi prennent-ils dans la question de la liberté une position intermédiaire entre deux solutions extrêmes : celle qui, confondant l’exercice de la volonté avec les opérations uniformes des autres forces, prétend retrouver les lois fatales qui les gouvernent dans l’activité volontaire et consciente, et celle qui, perdant de vue les relations des faits psychologiques, n’admet pas que ces faits soient subordonnés à aucune loi. « De ces deux doctrines la première conduit à la fatalité et au panthéisme, la seconde, à l’indifférence et au hasard. Les positivistes rejettent le fatalisme, et, observant l’ordre constant de succession selon lequel se présentent les phénomènes psychologiques, ils n’y voient qu’une longue série d’antécédents et de conséquents. À ce point de vue particulier, ils admettent bien l’existence d’une loi de nécessité, semblable à celle que l’observation nous montre déterminant les phénomènes de la nature extérieure. Néanmoins le mot nécessité prend une nouvelle signification dans la nouvelle doctrine, car, pour l’école positiviste, connaître une loi ne veut plus dire connaître les opérations d’une force, mais simplement constater une succession régulière de certains phénomènes. La loi en vertu de laquelle les phénomènes se succèdent n’est plus conçue comme un principe de connexion essentielle entre les faits d’une série, mais seulement comme une coordination invariable de ces faits dans le temps et dans l’espace ».

La loi ainsi comprise, le principe de cause et la conception de la force rejetés, les psychologues de l’école positive ne considèrent plus que le caractère superficiel des faits de conscience. Leur observation ne va pas au delà des lois quantitatives. Une telle méthode, si utile soit-elle dans les sciences de la nature, ne saurait donner l’explication d’un seul fait de l’ordre psychique. C’est ainsi que pour Alex. Bain le choix, la délibération, la détermination volontaire, la moralité des actes, la responsabilité dérivent par une sorte de processus mécanique de l’appétit animal. Le moi au point de vue de l’action n’est « que la somme des