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notices bibliographiques

nent que l’auteur de la Philosophie de Platon était exceptionnellement désigné pour ce labeur délicat d’exposition et de condensation, et savent avec quelle supériorité il y a réussi. On ne trouve à citer à côté de ce livre que les Manuels de philosophie ancienne et moderne (3 vol.) publiés, il y a près de quarante années, par M. Ch. Renouvier, aussi remarquables d’ailleurs par la richesse des renseignements et la fermeté des vues que par l’injuste oubli du public.

Apprécions en quelques mots la méthode, le plan et les idées du livre présent.

La méthode, c’est en grande partie le philosophe ; il y a donc intérêt à juger celle de M. Fouillée. Il ne saurait être question pour l’historien de la philosophie d’inventer un procédé arbitraire qui permette de donner à première vue la formule particulière de chaque doctrine, et ramène tous les modes de penser à des types invariables comme ceux-ci : sensualisme, idéalisme, scepticisme, et mysticisme. Les spéculations de l’esprit humain sont heureusement au-dessus d’une pareille législation logique. L’idée d’une telle méthode de réduction des idées philosophiques a été le fantôme décevant de l’éclectisme de Victor Cousin. Reconnaissant à l’esprit de l’homme plus de souplesse et d’originalité, M. Fouillée demande avec raison qu’on n’emprisonne les systèmes dans aucun cadre fabriqué d’avance et pour les besoins de la démonstration-, il professe que l’historien de la philosophie doit au plus haut degré s’imprégner des sentiments de chaque philosophe, s’identifier tour à tour avec chacun et avec tous, se faire l’avocat des causes les plus humbles comme des plus riches en crédit. Spencer remarque au commencement de ses Principes qu’il y a « une âme de vérité même dans les choses fausses » ; c’est sous une forme nouvelle une vieille pensée de Leibniz que M. Fouillée prend pour règle de critique. Avant tout, il importe de saisir l’esprit de chaque construction philosophique ; une fois en possession des principes et des idées directrices de la doctrine, on en domine le développement, on a le droit de contrôler celui-ci et d’en étendre les limites jusqu’aux points extrêmes. Mais toute limite, étant une négation, appelle une synthèse plus haute où les vérités, de quelque côté qu’elles viennent, s’harmonisent. C’est cette synthèse progressive, éclairée par la critique bienveillante des principes et des conséquences, qu’il convient de faire à chaque pas, de hausser ou d’abaisser à la portée des théories. Cette méthode de synthèse féconde, ou reparaît le génie de la dialectique platonicienne, voilà ce que M. Fouillée appelle d’un nom injustement critiqué « la méthode de conciliation ». Les lecteurs de cette Revue n’ont pas oublié les curieux éclaircissements que l’auteur a récemment donnés ici même sur la nature, le caractère et la portée de cette méthode.

On ne saurait nier que la méthode de conciliation, dont l’application exige du reste une singulière force d’esprit, a le mérite de ne ressembler ni au doctrinarisme de l’école française du commencement de ce siècle, ni à la logique fataliste et transcendantale des hégéliens alle-