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analyses. — b. saint-hilaire. De la Métaphysique.

« Toutes ces théories sont irréprochables ; mais sont-elles bien complètes ? Répondent-elles suffisamment au besoin des intelligences ? Peut-être ne suffisait-il pas de nous dire ce que les mots de substance et de cause renferment sous leur généralité. La nature est toujours le mystère qu’il s’agit de percer. » Or personne dans l’antiquité ne l’a mieux connue qu’Aristote. L’étonnante variété de ses ouvrages en fait foi. Il semble donc que rien ne lui était plus facile que de résumer tant d’études dans sa philosophie première, et de nous dire ce qu’il pense de l’homme, du monde et de Dieu, et de leurs rapports. Ces questions qui nous préoccupent tant, nous modernes, comment ne les a-t-il pas plus complètement traitées ? Est-ce dédain ? Le XIIe livre de la Métaphysique semble prouver le contraire. Nous avons d’autant plus lieu de nous étonner de la négligence d’Aristote, que son maître, l’auteur du Timée avait posé dans toute sa grandeur la question essentielle, celle de l’origine des êtres. Cependant la théodicée aristotélique mérite une très grande estime, bien qu’elle ne soit pas assez large et qu’elle contienne des germes qui ont porté plus tard des conséquences funestes. Aristote est pénétré d’admiration pour la nature. Personne ne l’étudia plus passionnément. Personne n’en a parlé avec plus d’enthousiasme. « Avec quel dédain ne repousse-t-il pas ces systèmes déplorables qui veulent rapporter tous les phénomènes de l’univers à un aveugle hasard ! » Il proclame hautement que tout dans l’univers tend au bien, que ce bien est la raison dernière des choses. Il est le vrai fondateur de l’optimisme.

Avant tout, ce qui préoccupe Aristote dans la nature, c’est le mouvement. D’où vient-il ? « À cette question, qui a été et sera l’écueil de tant de philosophies, il répond avec une clarté qui dissipe toutes les ombres. » Le mouvement a une cause en acte, toute réelle, sans matière, qui meut sans être mue, par le désir qu’elle suscite. Essayant de pénétrer dans la nature intime de cette cause, qui est Dieu, Aristote l’explique par l’acte pur, éternel, de l’intelligence qui se connaît elle-même, souverainement heureuse, c Cette théodicée est acceptable dans ses traits principaux : elle est exquise et vraie. » On y a néanmoins signalé dès longtemps un bien grave défaut : admet-elle la Providence ? Il est assez étrange que sur un tel sujet le philosophe se soit expliqué si obscurément que le doute soit permis. M. Barthélémy Saint-Hilaire avoue qu’il fait plus que douter. Cette erreur d’Aristote est d’autant plus regrettable qu’ici encore il avait l’exemple de son maître.

L’auteur termine cette première partie de son livre en s’arrêtant quelques instants, avec le fondateur de le métaphysique, « sur ces sommets que bien peu de philosophes ont gravis d’un pas aussi puissant, et ou bien moins encore ont trouvé plus de lumière… Puisse son exemple servir d’enseignement à d’autres, qui croient marcher sur ses traces et qui cependant sont si loin de lui, non seulement par le génie, mais par la doctrine ! » En résumé, malgré l’état ruineux où elle nous est parvenue, la Métaphysique n’en est pas moins un des plus