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vidus fécondés par le vent et de celles qui le sont par les insectes.

Maintenant, le discernement de la couleur appliqué à la recherche des fleurs brillantes a dû nécessairement développer chez les insectes un goût de plus en plus prononcé pour la couleur. Ce goût a eu pour effet la préférence de l’un et de l’autre sexe pour les individus les plus brillants : c’est ainsi que peu à peu les insectes amis des fleurs se sont revêtus à leur tour des couleurs qu’elles avaient revêtues elles-mêmes pour les attirer. Les papillons qui ont ce genre de vie sont les plus brillants de tous les insectes et forment avec les fleurs la masse d’objets le plus éblouissants de toute la nature. Cela est visible dans nos climats, cela frappe encore davantage sous les tropiques. Les diptères les plus beaux ont le même régime. On connaît, parmi les coléoptères, les splendides cétoines, qui vivent sur les roses. Latreille avait déjà remarqué la coïncidence des brillantes livrées des Lamellicornes avec leur régime végétal. Dans tous ces divers groupes, les exceptions s’expliquent par la différence d’alimentation, et partout les espèces qui se nourrissent de matières en décomposition, de substances ternes se montrent couvertes de teintes sombres ou indifférentes à l’œil. Les abeilles semblent être un embarras pour la théorie ; mais il suffit, pour écarter ce scrupule, de penser que la reine, qui seule transmet la vie à la génération nouvelle, ne se livre pas à la poursuite des fleurs, tandis que les ouvrières, acharnées à cette recherche, sont précisément stériles. Les hyménoptères solitaires rentrent dans la règle générale. Tous les insectes brillants sont donc bien des visiteurs de fleurs. Gomment rendre compte d’une telle rencontre, si ce n’est par la sélection sexuelle, provoquée elle-même, mise en mouvement par un penchant dû à l’éclat des fleurs visitées ?

Avant de passer plus loin, nous devons cependant signaler une catégorie d’insectes très éclatants et carnassiers, les Mantes (orthoptères) ; mais le cas s’explique, dit M. Allen, par une cause analogue ; ces insectes mangent des insectes brillants, et les effets sont les mêmes, qu’il s’agisse d’insectes ou de fleurs : il y a toujours poursuite d’objets colorés. Des araignées fréquentant les fleurs, et bien entendu ne s’en nourrissant pas, sont aussi fort belles : ce sont de vraies pierres précieuses ; « mais leur coloration magnifique doit être plutôt attribuée à la nécessité d’imiter les pétales des fleurs où elles siègent le plus souvent, pour se dissimuler à la vue. »

La sélection sexuelle est la vraie cause de la coloration des insectes, dès que la protection n’en est pas le but. Ainsi certains papillons sont ornés de taches brillantes précisément sur les côtés de leurs ailes qui sont cachés au repos, et ces ornements ne se voient