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espinas. — le sens de la couleur

l’intérieur était diversement coloré. La chrysalide montra une couleur foncée dans les boites noires, presque blanche dans les boites blanches. L’expérience a été faite sur trois espèces (Pontia rapæ, Empereur, Papilio Nereus) et a réussi dans les trois cas. À l’état libre, selon l’arbre sur lequel la chenille fait son cocon, la chrysalide prend une couleur différente, qui correspond à celle de son support. On a observé ce même fait sur des chenilles avant leur transformation et sur des sauterelles du sud de l’Afrique. Il se retrouve chez les poissons ; là, il est accompagné d’un autre fait non encore signalé ; les plies, qui sont d’un gris semé de points bruns qui imite à s’y méprendre la couleur du gravier, remuent le gravier autour d’elles avec leurs nageoires par un mouvement latéral, de manière à s’en couvrir presque entièrement, ce qui rend l’illusion encore plus complète. L’animal semble ici employer intentionnellement à sa conservation la couleur imitative dont il est revêtu. Des observations semblables ont été faites sur le caméléon et sur certains autres lézards. Jusqu’à quel point la ressemblance frappante de certains oiseaux avec la couleur du sol est-elle liée à l’exercice de l’organe visuel ? C’est ce que des expériences poursuivies sur plusieurs générations détermineraient peut-être : sur ce point, nous sommes réduits à des conjectures[1]. Il ne semble pas trop téméraire cependant de rapprocher sous ce rapport les oiseaux des reptiles, puisque les plumes sont les homologues des écailles, des crêtes et des piquants des reptiles, dont les oiseaux, d’après l’opinion concordante d’un grand nombre de naturalistes, sont les descendants transformés. « Toutes ces conformations reptiliennes, dit Vogt, ne se distinguent en rien des moignons en forme de verrues qui apparaissent chez l’embryon des oiseaux comme premiers vestiges de plumage. » Le caractère temporaire de certaines excroissances des reptiles lacertiens ne semble-t-il pas se reproduire dans la mue des oiseaux et le revêtement passager de leur plumage de noces ? Nous

  1. On sait que le feuillet externe est celui qui donne naissance à la fois à la peau et au système nerveux central. Il ne serait donc pas étonnant que les fonctions chromatiques de la peau soient liées a celles du nerf optique. Le fait que les animaux dont les narines sont dépourvues de pigment ont un odorat faible et que les chats blancs sont sourds montre une relation générale des téguments avec les organes des sens. (Wallace, Tropical Nature, p. 265.) Il est à noter aussi que les organes sexuels sont contenus à l’origine dans les glandes de la peau, ce qui expliquerait pourquoi les appendices tégumentaires de toutes sortes prennent un développement surabondant au moment où les passions érotiques sont le plus vives. Les expériences dont nous parlons consisteraient par exemple à nourrir plusieurs générations d’oiseaux privés de la vue, en les plaçant sur un sol semblable à celui qu’ils habitent d’ordinaire, ou bien à tenir le lièvre des Alpes et le lagopède éloignés de la neige pendant plusieurs hivers, etc.