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jeunes, molles et serrées les unes contre les autres, sont les parties qui plus que toutes les autres présentent ces avantages. Elles offrent un refuge contre l’ennemi ; elles contiennent souvent des sucs exsudés, et, quand il n’y en a pas, leurs tissus si tendres sont faciles à percer par un animal en quête de sève. Si donc les extrémités des axes ont été dès le commencement, comme elles le sont à présent, fréquentées de préférence par les petits insectes ; si, aux endroits où les feuilles étroitement groupées contenaient les organes générateurs, les insectes qui fréquentaient ces plantes s’y chargeaient de temps en temps de cellules fructifiantes, qu’ils transportaient d’une plante à l’autre, ce qui facilitait la fécondation, il a dû s’ensuivre que tout ’caractère qui était de nature à accroître l’attrait de ces groupes terminaux, ou à les rendre plus visibles à ces petits animaux, a été une condition favorable à la multiplication de l’espèce et s’est trouvé augmenté sans relâche par l’excès de multiplication des individus où il était le plus prononcé. Là est la clef de la question. La différence de couleur qui distingue les feuilles voisines des organes de fructification d’avec les autres feuilles a dû faciliter constamment l’action fécondante des insectes, supposé que ces insectes avaient la facilité de distinguer les couleurs. Il est évident que les abeilles et les papillons possèdent cette faculté. On peut les voir voler de fleur en fleur en négligeant toutes les autres parties des plantes. Si les insectes moins spécialisés possédaient un peu cette faculté de jugement, ce serait pour les différences de couleur dont nous avons parlé une cause de conservation et d’accroissement Que cette relation s’établisse une fois, et elle deviendra plus tranchée. Les insectes les plus capables de distinguer les parties des plantes qui leur offrent ce qu’ils cherchent auront le plus de chance de survivre et de laisser des rejetons. Les plantes qui présentent la plus grande quantité de la nourriture désirée et qui indiquent par les signes les plus visibles les endroits où elle est déposée sont celles dont la fécondation et la multiplication seront le plus facilitées. Par là, l’adaptation mutuelle devient de plus en plus étroite, en même temps que plus variée, grâce aux besoins spéciaux des insectes et des plantes de chaque localité, sous l’influence de chaque changement de conditions[1]. »

En ce qui concerne l’action créatrice réciproque des fleurs et des insectes, M. Allen n’a donc fait que développer les idées énoncées dans ce passage, mais en invoquant de plus la sélection sexuelle comme moyen de développement des surfaces colorées dans le corps

  1. Spencer, Biologie, t. II, p. 288, trad. française.