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trique, se séparerait en deux moitiés non égales, mais inverses, comme le sont les deux mains, et la moitié de gauche ne pourrait prendre la place de la moitié de droite. Désignons donc — et en cela on ne s’éloigne peut-être pas trop de la vérité — l’une de ces deux moitiés sous le nom de mâle et l’autre sous le nom de femelle. On sait qu’il manque à la première sa moitié femelle, et à la seconde sa moitié mâle. Le travail d’élaboration auquel chacune d’elles va se livrer n’a d’autre but que de se procurer ce qui lui manque. Or, dans la génération par sexe, ce travail est épargné. Les deux moitiés indispensables pour former un être complet proviennent de deux individus de sexes opposés et s’unissent dans l’acte de la conception. En somme, il y a fusion entre les produits opposés de deux organismes fissipares[1].

Arrivé à ce point, je suis au bout de ma tâche. Qu’est-ce que l’œuf ? Qu’est-ce que le spermatozoïde ? Ce sont de simples produits de la division de ce que j’ai appelé le noyau central, et ils en ont naturellement toutes les qualités, tous les caractères. Le noyau a conservé le mode primitif de multiplication, et-, dans le fait, il n’y en a pas d’autre. La substance vivante peut atteindre un degré merveilleux de complexité, sans cesser pour cela de présenter une homogénéité relative. Ainsi, il arrive un moment où la substance de la chrysalide ne renferme plus aucun vestige de la variété des tissus qui composaient la chenille ; elle est alors dans sa phase homogène. C’est à partir de ce moment que le corps de l’insecte parfait commencera à faire son apparition. Les organes générateurs,

  1. Si cette manière de voir était fondée, il s’ensuivrait que l’œuf est l’élément mâle, et que le spermatozoïde est l’élément femelle. C’est là une conséquence assez étrange, et pourtant par là s’expliqueraient bien des particularités assez embarrassantes. Une courte démonstration de ce paradoxe ne sera pas déplacée. Soit, d’une part, un organisme AB se divisant en deux moitiés. A et B, l’une mâle, l’autre femelle. Soit, d’autre part, un organisme semblable CD se séparant de même en ses deux moitiés C et D. Trois cas peuvent se présenter. Premier cas. A, B, C et D vont créer chacun pour soi, avec ou sans l’aide de la nutrition, par une élaboration interne, qui, au fond, sera une espèce de copulation, ce qui leur fait défaut, à savoir A et C leur complément femelle, B et D leur complément mâle. Deuxième cas. A s’unira à D, et B à C ; c’est une certaine espèce d’hermaphrodisme. Troisième cas. B seul s’unit à C, et A et D se complètent, comme dans le premier cas, chacun séparément pour son propre compte. C’est la sexualité. A reconstitué va maintenant produire un nouveau B, qui s’unira à un nouveau C engendré par D reconstitué ; et le même jeu se répétera indéfiniment. De sorte que A ne fait que donner des B, et D des C, et que ce sont ces B et ces C qui s’unissent. A et D sont des arbres de même espèce, mais de sexe différents, qui se couvrent de fleurs unisexuelles. Or on voit, puisque A porte des femelles et D des mâles, que les fleurs sont du sexe opposé à celui de la plante dont elles proviennent. En somme donc, le mâle est un femellier, et la femelle un mâlier. — Question de mots, dira quelqu’un. Peut être.