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sitôt il lance dans toutes les parties du globe où se trouvent encore des sauvages un questionnaire détaillé ; presque partout, il trouve des personnes éclairées pour y répondre, après expérience faite ; quelques mois après, les feuilles lui reviennent, et la difficulté est résolue. Lui-même du reste a pu recueillir des observations nombreuses dans des voyages prolongés à travers le monde.

Quand un investigateur patient et consciencieux, aidé de pareilles ressources, a rassemblé sur une question définie un volume de faits, quelle que soit la valeur de ses théories, son effort ne peut être inutile à la science. Ici, nous avons, outre un recueil considérable d’observations et d’expériences heureusement classées, un ensemble de théories probables, un système séduisant, dont les grandes lignes offrent à l’analyse un petit nombre de propositions fondamentales de la plus grande netteté.

Ces propositions sont au nombre de trois :

1° Les insectes ont produit les fleurs ; les oiseaux et les mammifères ont produit les fruits.

2° La poursuite des fleurs a inspiré aux insectes le goût de la couleur, qui, appliqué à la sélection sexuelle et fortifié par elle, a déterminé chez les insectes l’acquisition de couleurs brillantes. La même cause a produit le même effet chez les oiseaux et les mammifères mangeurs de fruits.

3° Le sens de la couleur, hérité par l’homme des mammifères mangeurs de fruits, ses ancêtres, a de même été développé chez lui et a produit les arts correspondants.

Laissons de côté deux chapitres consacrés à l’exposition de ce qu’on sait sur la couleur considérée objectivement et sur l’organe de la vue, et recueillons les preuves diverses présentées par M. Allen à l’appui de ces trois propositions.

I. Les plantes peuvent être divisées en trois classes : les plantes sans fleurs ou cryptogames, comme les champignons, les algues, les fougères et les mousses ; les plantes à fleurs, fécondées par le vent ou anémophiles, renfermant toutes les espèces dans lesquelles le pollen de la fleur mâle est lancé par l’impulsion du vent sur le stigmate de la fleur femelle, par exemple les pins, les cycadées, les graminées et les plantes à chatons ; enfin les plantes fécondées par les insectes ou entomophiles, excessivement nombreuses parmi les dicotylédonées et dont les orchidées offrent de si curieux spécimens.

Dans le temps, les diverses catégories se sont succédé suivant le même ordre ; Il y eut une longue période de l’histoire de la terre où le monde végétal présentait une couleur verte absolument uniforme. Aucune fleur, aucun fruit ne tranchait sur la monotonie des feuil-