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analyses. — a. fouillée. L’idée du droit.

Ce qu’il y a de vrai dans l’idéalisme, c’est que toute pratique est la réalisation d’une idée, et que de la valeur de l’idée dépend la valeur de l’acte ; c’est encore que l’idée la plus haute est l’idée d’un bien personnel et libre, plus intense, plus durable, plus varié, plus aimé, plus goûté, meilleur en un mot que n’importe quelle perfection passive et mécanique. Ainsi le bien se confond avec la volonté du bien : c’est le dégagement de notre vraie nature intelligente et aimante ; c’est l’affranchissement de toute servitude, celle du dehors comme celle du mal ; c’est la délivrance, et c’est aussi le désintéressement. La volonté se déterminant d’elle-même à des fins universelles, autrement dit la volonté indépendante et désintéressée, voilà la liberté. Donc la liberté ost l’idéal.

Mais il ne suffit pas pour fonder le droit de concevoir l’idéale liberté. D’une part le droit déborde le fait, il suppose la participation du réel à l’idéal ; et d’autre part il faut le poser en fait, il suppose au moins la possibilité de réalisation actuelle de l’idéal. Ainsi, la vraie théorie du droit consiste dans la conciliation du naturalisme et de l’idéalisme.

Nous voici au cœur du système. Le moyen terme qui permet d’opérer cette conciliation, c’est l’idée même de la liberté. Toute idée tend à se réaliser, et, parmi les idées, les idéaux sont des idées directrices exprimant la direction générale de l’activité réfléchie de l’homme, « Quand nous agissons sous l’idée directrice de liberté et avec confiance dans la possibilité de sa réalisation, elle se réalise en vertu du déterminisme même. » En ayant foi dans notre puissance, nous acquérons une puissance d’autant plus grande. — Mais par là nous acquérons aussi une valeur plus haute : en devenant indépendants, nous méritons de l’être ; en devenant libres, nous devenons inviolables. Et cette approximation de la liberté est indéfinie ; donc la valeur de la personne croit indéfiniment. On ne peut assigner d’avance même au méchant la limite de sa bonne volonté ; donc on ne peut lui assigner une valeur limite. L’âme naît captive ; « mais l’idée fait croître ses ailes ; » et plus elle s’élève vers l’idée, plus son essor est puissant et l’emporte au delà de toute barrière. Voilà le fondement du droit. Une idée, l’idée de liberté, un fait, la tendance de l’idée à se réaliser, telles sont les bases « positives » de la théorie. L’homme a des droits, parce qu’il a l’idée de liberté.

Il resterait à montrer qu’on peut « construire la société entière » conformément à cette théorie du droit. M. Fouillée promet de le faire. En attendant, on peut conclure que l’idéal moral et social de la France est le plus élevé et le plus humain que la pensée puisse concevoir. S’il est vrai que les peuples vivent d’idéal, le peuple français doit avoir foi dans son avenir. « Il ne périra point tant qu’il vivra de la vie commune à tous. Ces idées seules peuvent soutenir une nation à travers les siècles, qui, au lieu d’être purement nationales, sont humaines. La France n’attend son salut que des pensées nourries par la pensée de l’humanité, toujours vraies, toujours jeunes, immortelles comme