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REVUE PHILOSOPHIQUE

Dr P. Despine. De la folie au point de vue philosophique et plus spécialement psychologique (ouvrage couronné par l’Institut), 1875. Savy.

Le Dr Despine a déjà publié, entre autres travaux, un ouvrage considérable formant trois gros volumes sous le titre de Psychologie naturelle[1]. Malgré son titre, ce livre est plutôt un traité de psychologie morbide. Les deux tiers de son travail, en effet, sont consacrés aux aliénés et aux criminels. C’est un recueil de faits et d’observations, intéressants pour le moraliste autant que pour le psychologue. Cette publication, dans laquelle nous signalerons d’une manière spéciale les chapitres consacrés à l’automatisme, peut être considérée comme une introduction à celle qui va nous occuper et qui a pour objet la folie exclusivement.

M. Despine est un auteur systématique ; il a sur la folie des idées originales, et comme elles dépendent de ses principes psychologiques, une exposition de ces principes est nécessaire.

I. La psychologie. — M. Despine se dit Écossais, disciple de Reid. Il l’est en effet par les divisions et les subdivisions qu’il introduit en psychologie, par sa croyance aux facultés, au sens commun. Il rejette en grande partie les travaux de l’école anglaise contemporaine ; il lui reproche de s’occuper d’une manière presque exclusive des phénomènes intellectuels, de laisser de côté les faits moraux, de rejeter les facultés et de leur substituer des lois, de vouloir donner la genèse de divers pouvoirs psychiques. Pour M. Despine les facultés sont ce qu’elles sont ; on doit les décrire et non chercher à les expliquer. Vouloir expliquer des facultés, des pouvoirs, lui paraît être une prétention qui ne peut pas aboutir.

Elles forment deux grands groupes dans l’esprit humain : les facultés intellectuelles, les facultés morales. Ces groupes sont complétement indépendants l’un de l’autre. Ils peuvent exister l’un sans l’autre, et l’on doit établir entre eux une ligne de démarcation d’une manière absolue.

1o Les facultés intellectuelles sont beaucoup moins nombreuses que les facultés morales. M. Despine n’en décrit que trois : la perception, la mémoire et la faculté réflective. Les pages qui leur sont consacrées sont peu nombreuses. Évidemment, elles ont été négligées au profit des facultés morales. En ce qui concerne la perception, l’auteur n’a trouvé rien à dire que ce qu’en ont dit les Écossais. D’après lui nous percevons les objets tels qu’ils sont, sans éducation, « sans répétitions antérieures. » Il nous semble pourtant que ce sujet méritait mieux et nous regrettons que M. Despine ne discute même pas les idées nouvelles qui ont été émises sur ce point, et qui sont fondées sur des découvertes scientifiques incontestables.

2o Les facultés morales sont les facultés par lesquelles l’homme acquiert la connaissance de ce qu’il doit faire. M. Despine les appelle instinctives, sous prétexte qu’elles sont innées, spontanées, naturelles.

  1. Paris, Savy, 1868.