Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
HERBERT SPENCER. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE DE L’HOMME

indiqués amèneront des recherches plus détaillées qu’il sera bon de poursuivre. Toutefois, même dans son état actuel, le programme est assez vaste pour occuper de nombreux investigateurs qui pourront avantageusement se diviser le travail.

Bien que les anthropologistes, après s’être occupés des productions et des arts primitifs de l’homme, aient surtout porté leur attention sur les caractères physiques des races humaines, on admettra, je pense, que l’étude de ces caractères le cède en importance à celle des caractères intellectuels. Les conclusions générales tirées de l’étude des caractères physiques ne peuvent pas avoir sur les phénomènes les plus élevés, l’influence que pourraient avoir les conclusions tirées de l’étude des caractères intellectuels.

Il nous importe essentiellement d’avoir une vraie théorie de l’esprit humain ; or, la comparaison systématique de l’esprit d’hommes différents sous le rapport de la race et de la civilisation nous aidera à constituer cette vraie théorie. La connaissance des rapports réciproques entre les divers caractères des hommes et les caractères des sociétés qu’ils constituent doit exercer une profonde influence sur nos idées d’organisation politique. Quand on comprendra bien la dépendance réciproque qui existe entre la nature de l’individu et la conformation sociale, on pourra se rendre un compte plus exact des changements qui se produisent actuellement et de ceux qui se produiront bientôt. Quand nous serons à même de bien comprendre le développement mental dans ses rapports avec les conditions sociales qui modifient constamment l’esprit, pour être à leur tour modifiés par lui, nous serons aussi heureusement à même de prévoir les effets les plus éloignés que produiront les institutions sur le caractère, et nous pourrons éviter les graves inconvénients que cause aujourd’hui une législation ignorante.

Enfin, une vraie et bonne théorie de l’évolution mentale, basée sur l’humanité toute entière, en nous mettant à même de comprendre l’évolution de chaque esprit individuel, nous permettra de modifier nos déplorables méthodes d’éducation et par conséquent de faire faire de nouveaux progrès à la puissance intellectuelle et à la nature morale de l’homme.

Herbert Spencer.