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analyses. — véra. Problema dell' Assoluto.

De l’adaptation. — L’élection naturelle, ne cessent de dire les Darwinistes, en adaptant et en pliant telle espèce, ou dans l’individu tel organe et telle fonction à certaines circonstances extérieures, ou à certaines habitudes nouvelles, à certains besoins naissants, modifie l’espèce peu à peu, et degré par degré, en tire une espèce nouvelle. Semblable à un habile artiste, elle a procédé par touches et par retouches, et ainsi du singe elle a fait l’homme. Bien. Mais y a-t-il pour vous une nature déterminée, spécifique et absolue de l’homme, nature qui soit précisément l’unité et la finalité motrice de l’adaptation ? Voilà le point essentiel. Car si l’adaptation n’a point dans cette nature un terme auquel elle tende, elle ne peut exister, ou du moins il n’y aura qu’une adaptation accidentelle, dont le produit sera accidentel aussi. Quand bien même on prouverait avec je ne sais quel argument historique, la dérivation simienne de l’homme, il n’y aurait point de raison ni de nécessité déterminée qui la justifie, et on ne verrait pas pourquoi le contraire n’est pas arrivé. « Toute activité régulière et rationnelle, soit de l’art, soit de la nature, est une adaptation, une harmonisation de parties ou éléments divers : mais l’harmonisation implique un principe, l’énergie spécifique qui harmonise. » Elle est un résultat, non une cause.

De l’hérédité. — L’hérédité, dit-on, fixe les caractères en les transmettant. Donc les caractères sont déjà sans l’hérédité, et la fonction de l’hérédité se réduit tout au plus à les transmettre. Mais la transmission présuppose encore la nature, différentielle et immanente, des espèces. Supprimez cette nature et la transmission deviendra, elle aussi, comme l’adaptation, un pur fait empirique et accidentel. Ainsi ce n’est pas la transmission héréditaire qui fait l’espèce et ses caractères, mais c’est au contraire l’espèce qui rend possible et réalise la transmission… » L’univers Darwiniste est un composé de possibilités indéfinies, tandis qu’il faut, pour rendre raison des choses, des puissances définies : là où nous voulons des nécessités, il nous présente des accidents. Or, ni des accidents ne font un système, ni des possibilités indéfinies, incohérentes, ne font un monde.

Résumé. — Pour jeter un regard d’ensemble sur la doctrine, représentons-nous d’après Hæckel la série des espèces depuis la monère jusqu’à l’homme. Les espèces, supérieures y descendent des inférieures. Mais je le demande : Y a-t-il dans cette série des espèces, une raison et une raison absolue ; en d’autres termes, les espèces forment-elles un tout rationnel ou, ce qui revient au même, un système ? Peut-on déduire tout ce processus d’une idée qui le domine et le contienne dans sa totalité ? C’est là la question essentielle. Rien ne sert de dire que dans toute évolution il y a un avant et un après, et que l’être qui vient après procède nécessairement de l’être qui vient avant, les espèces supérieures des espèces inférieures. On ne nie pas que les choses n’aient subi la loi du devenir ; mais ce qu’on nie, c’est que ce devenir ait pu s’effectuer sans raison. Chaque être qui devient a sa nature spécifique