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HERBERT SPENCER. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE DE L’HOMME

entre cette différence variable et les rôles variés que jouent les sexes dans la vie ? Si l’on admet les effets cumulatifs de l’habitude sur la fonction et sur la conformation, aussi bien que la limitation de l’hérédité au même sexe, on doit s’attendre à ce qu’il se produise des adaptations sexuelles de l’intelligence, si, dans une société quelconque, les activités d’un sexe diffèrent de celles de l’autre sexe pendant une longue série de générations. On pourrait citer quelques exemples de ce fait. Chez les tribus africaines du Loango et de quelques autres districts, ainsi que chez quelques tribus montagnardes indiennes, les hommes et les femmes offrent un contraste frappant, en ce qu’ils sont respectivement apathiques et énergiques ; l’activité semble être devenue chose si naturelle pour les femmes, qu’il n’est pas besoin de les forcer pour les faire travailler. Des faits semblables suggèrent, bien entendu, une longue série de questions. La limitation de l’hérédité au même sexe peut expliquer les différences sexuelles de l’intelligence qui distinguent les hommes des femmes dans toutes les races et celles qui les distinguent dans chaque race ou dans chaque société. Mais on pourrait se demander, et la question est intéressante, jusqu’à quel point ces différences mentales se trouvent interverties dans les cas où il y a inversion des rapports sociaux et domestiques, chez les tribus des collines de Khali, par exemple, où les femmes ont si bien su prendre la haute main, qu’elles mettent tout simplement leurs maris à la porte quand ceux-ci viennent à leur déplaire.

Aptitude aux modifications mentales chez les deux sexes. — En même temps que l’on compare les races sous le rapport de la plasticité mentale, on peut comparer parallèlement les sexes, dans chaque race. Est-il toujours vrai, comme il semble l’être généralement, que les femmes soient moins modifiables que les hommes ? Le sentiment conservateur relatif des femmes, leur plus grand attachement aux idées et aux coutumes établies se manifeste évidemment dans beaucoup de sociétés civilisées et à demi civilisées. En est-il de même chez les peuples sauvages ? Dalton nous cite un exemple curieux d’un attachement plus grand aux coutumes chez les femmes que chez les hommes, chez les Juangs, une des tribus les plus sauvages du Bengale. Tout récemment le costume des deux sexes n’arrivait même pas à celui que la légende juive attribue à Adam et à Ève. Il y a quelques années les hommes se laissèrent persuader de remplacer par un morceau d’étoffe autour des reins la touffe de feuilles qu’ils y plaçaient d’ordinaire ; mais les femmes adhèrent encore à l’habitude originelle, sentiment conservateur qui se produit là où l’on pourrait le moins s’y attendre.

Sentiment sexuel. — On peut s’attendre à obtenir des résultats